Rémi est médecin anesthésiste-réanimateur dans un CHU. Il a gentiment accepté de répondre à quelques questions pour nous éclaircir sur les « dopants de l’homme d’action » et quelques principes diététiques.

PROTEGOR : L’une des bases de la sécurité personnelle est d’être « en forme ». Être en forme, ce n’est pas seulement « faire du sport », mais aussi faire attention à ce que l’on mange. Quelles sont vos principes sur ce sujet ?
Rémi :
Tout d’abord il convient d’éviter tout régime exclusif, drastique et moralisateur. Il faut trouver du plaisir dans l’alimentation. Il y a un consensus sur le fait de varier son alimentation et de l’enrichir en fruits et légumes, ce dernier point est connu mais négligé.
Ensuite je veille tout particulièrement à maintenir plusieurs pratiques :
– Je panache mon utilisation des huiles avec un intérêt préférentiel pour l’huile de colza et parfois un peu d’huile de sésame (wok) pour la cuisson et l’huile d’olive et de noix pour l’assaisonnement
– J’essaye de manger quotidiennement des fruits secs : noix et amandes notamment
– J’ai diminué ma consommation de produits laitiers après avoir compris le décalage qu’il existait entre leur intérêt nutritionnel et le marketing qui nous persuade que ce sont des aliments-médicaments
– Je ne mange que très ponctuellement de la viande rouge, je privilégie plutôt la volaille, les œufs et les poissons gras pour les apports protéiques. Et je m’encourage à en apporter au petit déjeuner car notre métabolisme absorbe de façon optimale les apports protéiques matinaux (meilleure régulation de la glycémie et disparition des fringales de fin de matinée)
– Je favorise le pain et les céréales complètes et j’écarte les pains blancs, baguettes, etc.
– Je consomme volontier du thé vert ou semi-fermenté, notamment en provenance de Taiwan ou du Japon (Bao-zhong et Gyokuro)
– J’ai diminué le plus possible les produits transformés industriellement (biscuits, surtout les salés)
– Afin d’éviter de tomber dans le piège de l’alimentation rapide et des sandwiches à gogo, je prépare des plats à l’avance (plus grande quantité) que je congèle. Ca n’est pas toujours optimal par rapport à un repas frais (de crudités par exemple) mais c’est mieux que le kebab!

PROTEGOR : Au-delà de l’alimentation normale, conseillez-vous certains « compléments alimentaires » ?
Rémi :
C’est une question difficile. En théorie, l’alimentation variée devrait suffire, en pratique on n’y arrive pas par carence d’organisation et habitudes culturelles.  Ainsi je me suis plongé dans la littérature médicale pour rechercher des pistes quant à l’intérêt de la prise de compléments alimentaires type multivitamines et oligoéléments. En fait il n’y a aucune recommandation des sociétés savantes de renom pour utiliser ces compléments. Par ailleurs pas mal de gens redoutent le vieillissement et espère le retarder en absorbant des doses importantes de vitamines « anti-oxydantes ». Cependant il existe de plus en plus de littérature médicale à la fois fondamentale (expériences sur des cellules isolées ou des petits animaux) et clinique (chez l’homme) qui rejette cette hypothèse en écartant cette voie trop simpliste, notamment dans le cadre d’une utilisation en parallèle d’une activité sportive intense, comme je l’explique ici.
Cependant il existe toujours quelques zones d’ombres, et notamment parce que la science a ses limites et que la vie quotidienne ne rend pas toujours possible une hygiène de vie optimale j’utilise quelques compléments. Je répète qu’il n’existe aucune recommandation médicale, il s’agit d’une pratique personnelle fondée sur mes connaissances et mon mode de vie. Ainsi je prends quotidiennement des huiles de poissons en gélules m’apportant 650 mg d’oméga-3 sous forme d’EPA et de DHA (à ne pas confondre avec l’hormone DHEA). Je prends régulièrement du sélénium et de la vitamine D l’hiver. Parfois je prends des « poudres vertes » concentrant des extraits de fruits et légumes.

PROTEGOR : Y a-t-il des risques à prendre ces compléments ?
Rémi :
Oui ! Même s’il existe une grande marge thérapeutique avant de rencontrer des soucis de toxicité toute modification de votre mode de vie peut avoir des conséquences à long terme. Ainsi certaines études cliniques étudiant l’intérêt d’un mélange d’antioxydant pour prévenir le cancer du poumon ont trouvé un nombre plus important de cancers dans certains groupes de patients (toutes choses égales par ailleurs, les patients fumeurs prenant des antioxydants développaient plus de cancer que les fumeurs n’en prenant pas). Ensuite la qualité des compléments est très variable, certaines spécialités ne contiennent pas les doses de produits revendiqués sur l’emballage et pire, certains compléments contiennent des contaminants toxiques comme cela a été récemment trouvé pour certains compléments apportant des oméga-3 contaminés par du plomb ou d’autres à base de levure de riz rouge pour faire baisser le cholestérol qui étaient contaminés par un composé néfaste pour les reins. Pour faire face à ces problèmes je me suis abonné avec mes deniers à un site d’expertise indépendant.
Enfin le risque de croire qu’avec une pilule magique on peut toujours faire plus et oublier d’écouter son corps et négliger son alimentation en imaginant que la pilule miracle fera son office.

PROTEGOR : Perso, j’ai découvert le trio très basique « vitamine C, B1 & Mg » que je prends dès que j’ai besoin d’une journée efficace (ça devient quotidien là)… c’est has-been ?
Rémi :
Le terme has been traduit bien les phénomènes de mode qui existent autour des compléments alimentaires ! En fait la vitamine B1 utile pour utiliser les sucres est très présente dans notre alimentation et seuls les très grands dénutris ne s’alimentant plus et les grands alcooliques n’ayant aucun apport calorique autre que l’alcool souffrent de carence en B1. Ensuite la vitamine C est souvent mise en évidence pour ses effets antioxydants. On a vu plus haut que le raisonnement associant stress oxydant et effets délétères sur l’organisme est trop simpliste. Quant au magnésium, on vante ses mérites partout mais on ne sait même pas correctement le doser dans l’organisme ! Ensuite les différents formes qui existent dans les compléments alimentaires sont très variables et offrent souvent une absorption très médiocre avec des conséquences désagréables au niveau gastro-intestinal. Ceci dit il est globalement vrai que notre alimentation n’est probablement pas assez riche en potassium et en magnésium. Majorer ses apports en fruits et légumes et notamment en fruits secs et graines est un bon moyen de pallier le problème.

PROTEGOR : Existe-t-il de nouveaux produits ? une révolution est-elle en cours dans ce domaine des « compléments alimentaires » ?
Rémi :
Les laboratoires spécialisés dans les compléments alimentaires sont à l’écoute de leurs consommateurs pour proposer des cocktails et des mixtures au plus proche de ce que réclament les clients. Ainsi ils multiplient les nouveautés quitte à proposer quelques arnaques. Par exemple il n’y aucune différence entre la vitamine C d’origine naturelle et la vitamine C synthétique, la molécule est la même point barre. Effectivement il sera meilleur de la trouver au sein des fruits que dans un comprimé car on trouvera là une myriade d’autres composés et des fibres bénéfiques pour la santé.
Aujourd’hui il existe des modes dans la prévention du vieillissement avec un boom autour de molécules dérivées du vin comme le resvératrol. Certains laboratoires américains le concentrent à partir d’autres plantes et le commercialisent sous forme de mégadoses (restant malgré tout absorbées de façon médiocre, belle arnaque) pour lesquelles on ne connaît pas les effets à long terme de ses molécules aromatiques qui peuvent mimer des actions d’hormones par exemple. Gros gros doute ici.

PROTEGOR : Compte-tenu de ma très forte musculature, on m’a conseillé de prendre des protéines « isolate de whey ». Qu’en penses-tu ?
Rémi :
Ahhhh. Ici on rentre plutôt dans des considérations psychologiques que nutritionnelles. Ce volume musculaire est-il nécessaire ? Passons… Les protéines issues du lactoserum sont intéressantes car elles apportent un panel complet d’acides aminés mais il ne faut surtout pas oublier qu’il faut les absorber dans le cadre d’une activité physique régulière. Leur prise doit encadrer les entrainements pour avoir un intérêt sur l’anabolisme musculaire.
Pour favoriser et entretenir le métabolisme musculaire dans le cadre d’une activité sportive, j’encourage plutôt les sportifs curieux à se cultiver (sic) sur les acides aminés ramifiés (BCAA en anglais) qui contrairement aux autres acides aminés sont moins vite accaparés par le foie. Leur métabolisme, surtout s’ils sont associés à de la glutamine est bénéfique pour les muscles, l’intestin et le système immunitaire pouvant peut être prévenir certains tracas (rhume à répétitions) rencontrés par les sportifs pratiquant régulièrement l’endurance poussée.
Enfin, il ne faut pas oublier que les apports massifs en protéines charge en acides l’organisme qui doit travailler à équilibrer sans arrêt son pH.

PROTEGOR : As-tu d’autres conseils pour les lecteurs de PROTEGOR ?
Rémi :
oui ! il faut toujours rester critique et méfiant vis-à-vis des nouveaux gourous de la nutrition qui revendiquent telle ou telle vérité avec simplement leur talent de bonimenteur pour vendre leurs concepts et surtout leurs gélules. Il existe d’énormes disparités dans la qualité et le rapport quantité/prix des produits, il faut donc bien étudier son sujet avant de consommer des compléments alimentaires. Enfin, et plus important, les efforts alimentaires sont difficiles, il faut y aller progressivement pour ancrer de nouvelles habitudes. Bon courage et bon appétit !
Je vous offre un peu de gyokuro, des noix et un carré de chocolat noir pour le goûter ?

Merci Rémi !