Dans la continuité des échanges sur les arts martiaux & la self-défense, Patrick Lombardo, fondateur du Pankido et pionnier du combat libre en France, auteur de l’Encyclopédie des Arts Martiaux, a eu la gentillesse de répondre à quelques questions en exclusivité pour PROTEGOR.

M. Lombardo, beaucoup de lecteurs se posent la question de savoir quels arts martiaux ou sports de combat il faudrait pratiquer pour être rapidement efficaces en self-défense. Quels seraient vos conseils à ce sujet ?
Patrick Lombardo : la question de la self-défense nous concerne tous, que nous soyons déjà pratiquant ou non. Et bien sûr, tout le monde, ou presque, veut aller vite. Or, il s’agit ici de développer ou de retrouver des capacités réelles de survie en situations d’agressions réelles. C’est donc quelque chose de très sérieux, et les choses sérieuses ne peuvent pas être faites « à la vas-vite ». Il faut prendre son temps. Tout d’abord, essayez de déterminer votre niveau de motivation en répondant vous-mêmes aux questions qui suivent :
1. Combien d’heures par semaine suis-je prêt à consacrer à la pratique d’une méthode de self-défense (en dessous de deux fois une heure et demi par semaine, oubliez toutes vos prétentions) ?
2. Quels types d’efforts physiques suis-je prêt à endurer (en plus des techniques « qui marchent », il faut penser à renforcer le corps et améliorer un tant soit peu la condition physique de base) ?
3. Suis-je prêt, psychologiquement, à m’apercevoir que j’ai vraiment beaucoup de travail devant moi si je veux devenir efficace ?
Entrons maintenant dans le concret. Voici mes recommandations : trouvez près de chez vous un club de Penchak-silat, de Krav-maga, de Systema ou autre qui propose à la fois des mises en situations lors des cours et, aussi, des exercices de renforcement du corps et du mental. A raison de deux fois par semaine, il vous faudra deux bonnes années pour sentir vraiment les résultats. Si quelqu’un vous dit le contraire, soyez prudent. Au bout de deux ans, dans des conditions normales, vous pourrez sans doute faire face à certaines agressions courantes. Mais n’espérez pas vous en sortir face à un professionnel du combat (de type champion de MMA, Boxe Pieds-poings ou autres). Bon, rassurez-vous, en général, ce ne sont pas ceux-là qui viendront vous chercher querelle.

Les arts martiaux & sports de combat sont souvent des disciplines complètes, enseignant la gestuelle, la maîtrise de soi, la compétition, la santé, … Avez-vous une recette personnelle pour vous focaliser sur l’efficacité en self-défense dans une pratique martiale ?
Patrick Lombardo : si vous pratiquez de manière sportive une discipline réaliste (MMA, Boxe Pieds-poings, Karaté Kyokushinkai, etc.), vous deviendrez efficace en self-défense, même sans vous en apercevoir. Mais vous pouvez aussi, lors de certains entraînements, vous mettre directement et volontairement en « mode survie ». Concrètement, lorsque le partenaire vous envoie un coup ou tente de vous soumettre par une clé ou un étranglement, vous pouvez changer votre état d’esprit et vous dire que chacun de ses gestes est un geste mortel (ce qui n’est pas le cas bien évidemment). Puisque vous décidez d’augmenter artificiellement, dans votre esprit, le degré de danger de chaque attaque adverse, votre cerveau va s’adapter en mobilisant alors d’autres zones de travail. Vous obtenez ainsi un « focus », une « concentration » plus intense qui vous prépare plus directement à l’affrontent de rue. Toutefois, ne vous laissez pas emporter par des réactions violentes et incontrôlées. Je vais vous livrer maintenant un vrai secret. Celui que les maîtres de sabre du Japon féodal avaient découvert : ce n’est pas en vous stressant systématiquement à l’entraînement que vous deviendrez vraiment efficace en situations réelles. Celui qui s’entraîne « style genre je cherche à tuer et je vise tout le temps les points vitaux » devient plutôt un névropathe. Il faut savoir nuancer les efforts.

Dans le guide Protegor, vous nous aviez accordé un entretien passionnant sur l’importance de connaître son essence personnelle, pour combattre efficacement. Autrement dit, on comprenait qu’il était inefficace voire dangereux de se battre comme un tigre si l’on était un lapin. Comment un adepte de la self-défense peut-il découvrir s’il est tigre ou lapin ?
Patrick Lombardo : je vais faire très court et vous donner quelques tests à effectuer avec modération, avec des partenaires intelligents.
Test 1 : faites-vous attaquer « à fond la caisse » sur une attaque unique. Si vous avez tendance, « naturellement » à esquiver large (en termes d’initié, ça veut dire : si vous avez un peu peur pour rester au contact) puis à remiser à distance, votre style est plutôt… hum, je ne dirai pas le nom de l’animal (à vous de voir). Et ceci n’a rien à voir avec le gabarit de votre partenaire. Si, par contre, vous glisser autour de l’attaque ou si vous cherchez à anticiper, à neutraliser, à contrarier ou à accompagner (c’est presque la même chose), votre style est plutôt… voyons, à votre avis.
Test 2 : on vous étrangle. Vous cherchez à vous dégager en vous débattant dans tous les sens, vous griffez, vous mordez ; parfait, c’est souvent le meilleur moyen d’y rester mais bon, parfois ça marche. Au contraire, vous cherchez à « maîtriser », à comprendre comment fonctionne l’étranglement, comment le « défaire », comment vous servir du fait que l’agresseur a les deux mains fixées sur vous pour tirer avantage de la situation. On voit bien qu’on à faire ici à deux psycho-types différents.
Dans Protegor, j’ai clairement fait comprendre que le « héron », ou le « singe », ou le « rat » ne sont pas inférieurs au « tigre » dans leur système de défense. Chacun joue son propre jeu. Dans un espace ouvert, un « singe » peut facilement échapper à un « tigre » en grippant à un arbre. Le « rat » va disparaître dans un trou, et le « héron », et bien… il n’avait qu’à pas se trouver là.

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