venezuelaJ’ai pu rencontrer Jesus C. lors d’une formation de management aux Etats-Unis. Jesus est originaire du Venezuela, a travaillé dans différents pays d’Amérique Latine (Colombie, Equateur) et vit maintenant à Toronto, Canada. Alors qu’il travaillait dans une entreprise pétrolière au Vénézuela, il a subi une tentative de kidnapping qui l’a mené à devoir complètement changer son mode de vie. Entretien exclusif.

Protegor : Peux-tu te présenter aux lecteurs de Protegor ?
Jesus C. :
Je suis ingénieur, originaire du Venezuela. Je travaille depuis longtemps dans le secteur des énergies & du pétrole, et mène une vie agréable. J’avais la trentaine quand l’incident est arrivé. J’avais alors un travail stable et bien rémunéré (enfin, c’est ce que je pensais à l’époque). J’adorais surfer & partir plonger aux Caraïbes, passer du temps à la plage était le must pour moi à l’époque. Toujours honnête, j’étais parfaitement rangé (même pas une contravention !).

Protegor : Et comment cette mésaventure de kidnapping est-elle arrivée ?
Jesus C. :
Il était autour de minuit and j’étais à l’extérieur de la résidence d’une amie, je discutais de choses & d’autres. Quatre hommes se sont approchés de moi et ont sorti des pistolets. Ils m’ont fouillé, pour voir si j’avais une quelconque arme, et m’ont demandé « où est ton flingue ? » plusieurs fois. Je répondais que je n’étais pas armé, mais l’un d’eux insistait, « je sais que tu as un gun ». Après leur « fouille », ils nous ont amené, mon amie & moi, vers mon véhicule (un tout nouveau 4×4, acheté 3 mois auparavant). Ils nous ont fait rentrer dedans & entrèrent aussi. L’un s’est installé pour conduire, un autre à ses côtés. Les deux autres s’assirent à l’arrière bloquant chacune des portes, me laissant, mon ami & moi, au milieu. Ils nous ordonnèrent de baisser la tête et de rester « braves » ou sinon ce serait « sanglant », pointant le canon glaçant de leurs armes vers nos têtes. Ils dirent que si l’on collaborait, tout se passerait bien pour nous. La sensation de sentir un canon sur ma tête et quelque chose que je n’oublierai jamais.

Comme j’avais entendu pas mal d’histoires du même genre auparavant, pleins d’idées vinrent dans ma tête. Vont-ils nous tuer ? Où nous amènent-ils ? Vont-ils nous blesser, nous violer, tirer, frapper, aller chez moi… ? Que savent-ils de nous ? Que veulent-ils vraiment ?

Pour une raison inconnue, j’ai commencé à discuter avec eux, comme si c’était des amis. Leur réaction me surprit énormément, ils poursuivaient la conversation comme si l’on était en train de faire la fête. On passa près d’une zone avec des policiers, mais personne ne remarqua ce qu’il se passait dans la voiture (en partie en raison des vitres teintées), et je n’ai pas essayé de nous faire remarquer, ça aurait été stupide, on aurait été les premiers à perdre la vie.

L’un des ravisseurs baissa même la glace pour « saluer » un policier, comme pourrait le faire une personne qui fait la fête. Quelques mètres après la zone où étaient les policiers, le passager à l’avant se mit à discuter… c’était évident, il était le chef. Il dit que ce qui venait juste d’arriver était le signe de notre « renommée » (amusant non ? « renommée » ?!) et qu’il nous laisserait partir bientôt. Au début, je n’arrivais pas à y croire, et pensais qu’il mentait pour que l’on reste calme. J’ai demandé à prendre mes clés, mon sac à dos et même un CD que j’avais dans la voiture… le boss me les donna, ce qui me renforça dans l’idée qu’ils n’en voulaient qu’à la voiture et qu’il prendrait le portable aussi, pour pas que l’on appelle tout de suite la police. Le chef m’indiqua que la voiture serait remboursée par l’assurance de toutes façons. C’est là que je remarquais qu’il était habillé avec des habits de marque, il ne faisait pas partie du même niveau social que les trois autres. Son langage était plus éduqué aussi. Même son arme était plus belle que celles des autres (à l’époque, je n’y connaissais rien en armes).

Après 1h30 de rodeo, ils nous abandonnèrent dans une montagne reculée, mais pas trop loin d’une zone résidentielle. Avec mon ami, on se mit à courir comme des fous, et je remarquais qu’une voiture nous suivait et continua son chemin avec ma voiture conduit par les ravisseurs. Le garde de sécurité de la zone résidentielle était à 200m. On a pris un taxi et j’ai ramené mon amie chez elle, puis retournai à la maison et appelai la police.

Ma famille était très stressée, ils m’attendaient depuis plus de 4h de retard. Un membre de ma famille s’effondra en larmes et me serra comme jamais. Le jour suivant, je remplissais ma déposition au poste de police. L’assurance paya 70% du prix de la voiture. Et je suis toujours là pour vous raconter l’histoire 🙂

Protegor : Quels conseils donnerais-tu pour éviter ce genre de mésaventure ?
Jesus C. :
Faites toujours attention à votre environnement, à ce qui est autour de vous. Même dans la situation la plus sûre (que ce soit en ville, à la campagne, etc.), ne laissez pas d’opportunité à ce genre de choses d’arriver. Habituez vous à changer de chemin, que ce soit pour aller au travail, visiter de la famille, à l’école, faire des courses… évitez de prendre toujours la même route, aux mêmes horaires. Aussi, ne tentez pas des mouvements stupides. Si vous ne pouvez pas éviter une telle situation, négociez pour le mieux (votre vie !). Ne tentez quelque chose que si c’est vraiment pour sauver votre vie.

Protegor : Tu aurais pu éviter ce kidnapping ?
Jesus C. :
Oui. Je suis resté dehors trop longtemps… discuter ainsi si longtemps après minuit, ce n’est pas quelque chose à faire. Cela a donné à mes ravisseurs assez de temps pour juger la situation et planifier leur approche.

Protegor : Après, tu as vécu en voiture blindée, avec un gilet pare-balles et une arme à feu. L’expérience t’avait métamorphosé ?
Jesus C. :
C’est pas une vie de vivre ainsi. Tu te rends compte que l’argent et le status social ne signifient rien si tu n’as pas une vie en paix. J’ai compris que la vie pouvait se terminer à tous moments. On ne sait pas quand ça va arriver. J’ai connu des gens qui sont morts en tombant de bicyclette ou sous la douche… d’autres ont reçu 3 balles ou ont eu un accident de voiture terrible et sont toujours en vie.

Protegor : Tu vies au Canada maintenant, c’est très différent j’imagine ?
Jesus C. :
Oh oui, totalement différent. Même si partout dans le monde, les grandes villes ont de la criminalité, le niveau peut varier énormément. La Canada est très calme, les gens plus tolérants & civiques.

Protegor : As-tu appris quelques astuces de sécurité personnels dans tous les voyages entre l’Amérique du Nord & du Sud que tu peux faire pour ton travail ?
Jesus C. :
Oui, plusieurs. Des grilles & barres aux fenêtres de la maison à des choses plus personnelles. Le meilleur principe c’est d’éviter toute situation où il y a un risque pour ma sécurité. Si quelqu’un se conduit de manière non civilisée, il faut bien analyser la situation avant de réagir.Vous ne savez pas quelles peuvent être ses intentions.

Thank you very much Jesus !