Le procès de l’influenceur #MarvelFitness pour cyberharcèlement, et surtout le résultat de ce procès, à savoir une condamnation lourde de 2 ans de prison, dont 1 ferme avec mandat de dépôt (l’influenceur a été conduit en prison directement à l’issue du procès) ont fait et font couler beaucoup d’encre et de « bits numériques » en articles, stories, vidéos… et ce n’est pas fini puisqu’il y aura un nouveau procès en appel dans quelques mois.

Malgré le titre racoleur que je vous ai mis (les psy analyseront ici un syndrôme de l’imposteur :D), l’objet de cet article n’est pas de parler du procès et encore moins de la peine prononcée. Car je suis incompétent sur ce sujet strictement judiciaire. En revanche, ce procès donne des opportunités incroyables de mise en lumière de ce qu’est le cyber-harcèlement :

  • Le comprendre
  • Le prévenir
  • S’en défendre
  • Le combattre

Comprendre le cyberharcèlement

Le cyber-harcèlement c’est un mot super à la mode et pour beaucoup qui n’en ont jamais été victime, c’est bullshit. C’est assez compréhensible d’une certaine manière, car il y a cette image simple (simpliste ?) de « bah c’est sur internet, donc pas dans la vraie, donc c’est pas grave« . C’est vrai et faux à la fois. Un commentaire désagréable sur internet, ça s’efface facilement, on peut aussi ne pas lire les commentaires, on peut bloquer la personne qui l’a posté… c’est « a priori » moins blessant & émotionnellement moins fort qu’une bonne grosse insulte menaçante par un mec face à face ». Sauf que pas toujours… et surtout pas quand ce n’est pas un épisode isolé mais que cela se répéte régulièrement par une même personne, ou bien ponctuellement et en volume par plusieurs personnes. Et c’est ça le cyberharcèlement, au-delà de la simple « haine en ligne ».

Harceler = Soumettre quelqu’un, un groupe à d’incessantes petites attaques

Larousse

Je fais parfois ce parallèle avec le harcèlement de rue. La majorité des mecs ne se rendent pas compte de ce que peuvent vivre certaines femmes dans la rue car eux-mêmes ne l’ont jamais vécu. C’était mon cas jusqu’à un reportage sur FTV il y a très longtemps qui suivait une femme dans la rue, qui m’a mis une claque : « WTF, comment une telle horreur est-elle possible ? ». Depuis, de nombreuses autres vidéos en caméra cachée sont sorties, et ont confirmé qu’il y avait un sujet de fond à traiter et faire stopper.

Le cyber-harcèlement relève pour moi du même problème de compréhension. Les non-victimes sous-estiment les effets et l’horreur de la situation. Et ce n’est pas une question de « fragilité » — on voit ce mot utilisé dans les commentaires de certains trolls des réseaux sociaux qui confondent leur courage numérique avec leur réalité d’homme accompli. Certaines victimes peuvent avoir des fragilités et réagir encore plus violemment (suicide notamment), mais le harcèlement peut déstabiliser des personnes sans fragilité particulière.

J’ai déjà posté cette vidéo de Tristan De Feuillet Vang sur facebook et je la remets ici car elle a été faite à chaud après le procès #marvelfitness, et permet d’avoir un ressenti de ce que peut vivre une personne, homme adulte sans fragilité particulière, qui subit des actes de cyber-harcèlement. Il faut regarder la vidéo sans compassion ni émotion, on n’est pas là pour chouiner, mais pour comprendre pourquoi à un moment c’est vraiment perturbant de subir la haine d’un tiers de manière répétée.

Avant cette affaire, je m’étais penché sur plusieurs ouvrages, dont le récent CyberHarcèlement de Anaïs Condomines, qui fait lui aussi bien sentir les moments durs pour une victime, en mode témoignage aussi. Ce livre est bien mais un poil trop féministe-only. Une recherche Amazon montre un nombre assez important de livres déjà sur le sujet.

Après, les formes de cyber-harcèlement, comme pour le harcèlement in-situ, sont variées. La justice distingue 5 types de harcèlements sur sa page en date du 25/06/2020 :

  • Harcèlement téléphonique
  • Harcèlement moral au travail
  • Harcèlement sexuel
  • Cyber-harcèlement
  • Harcèlement scolaire
    (à mon avis il en manque… il peut y avoir du harcèlement dans les couples, les couples séparés, etc. mais ce n’est pas le sujet)

En cyber-harcèlement, il y a des cas différents pour lesquels les actions de prévention ou de défense ne seront pas les mêmes.

Si l’on prend l’exemple que Kayane, championne du jeu street-fighter avec une forte présence sur les réseaux sociaux, cette dernière a témoigné avoir été victime du harcèlement d’un fan amoureux, très insistant et qui en arrivait à la suivre dans la rue. C’est un cas d’harcèlement d’une personne isolée et « bien relou », s’apparentant à une forme de harcèlement sexuel mélangeant cyber et IRL. Si l’on prend l’exemple #MarvelFitness, les actions de harcèlements sont plus morales que sexuelles, avec des actions de dénigrements auprès de partenaires commerciaux (forme de concurrence déloyale), et avec incitation / manipulation d’une base de fans crédules et haineux contre les victimes ciblées. Les victimes sont souvent ici des personnes avec une certaine notoriété (c’est pour ça que les affaires sortent sur la place publique et sont connues), mais le cyberharcèlement ne se limite pas qu’à des victimes « visibles ».

Prévenir le cyberharcèlement

Il est bien difficile d’être exhaustif dans un article sur toutes les techniques pour prévenir ou combattre le cyberharcèlement, mais voici quelques bonnes pistes de départ, qui sont principalement de l’hygiène numérique :

  • « Don’t feed the troll » : les débats sur les réseaux sociaux c’est sympa, mais discuter avec des inconnus présente toujours le risque de déplaire à un fou haineux… face à une personne en désaccord avec soi, il faut être conscient qu’il y a très peu de chance que vous lui fassiez changer d’avis via un commentaire sur un réseau social, le mieux est de ne pas répondre. Ne parlez pas au troll, c’est que du temps perdu
  • Effacer et bloquer : dès qu’il y a insulte, il est recommandé d’effacer le commentaire et bannir/bloquer la personne ; répondre est une perte de temps, lire des insultes est peu plaisant. Il est aussi possible de prévenir en bloquant systématiquement certains mots clés (insultes par exemple). En cas de harcèlement avéré toutefois, il faudra garder des preuves, donc ne plus effacer toutes les nouvelles irruptions numériques par le harceleurs et les faire constater par huissier (si volonté de procès)
  • Connaître ses interlocuteurs numériques : échanger en ligne en priorité avec des personnes que vous connaissez en vrai, ou avec des personnes que vous n’avez pas encore rencontrées IRL mais dont le profil ne vous semble pas « weird ». Il y a, comme en sécurité personnelle classique ici, une question de jugement rapide d’une personne via son « profil numérique »… dans un métro, vous voyez une personne et vous pouvez avoir un doute élevant votre vigilance à cause de son comportement, son regard, ses vêtements… parfois c’est faux, parfois ça fonctionne, mais ça conduit votre vigilance Cooper. C’est pareil en sécu perso numérique, quand on décide d’échanger avec un inconnu, on regarde ce que l’on peut voir sur cette personne, ses dernières publications, ses derniers like ou commentaires, ses choix de photo de profil / headline, etc. ça peut ne rien apprendre du tout, ou au contraire tout de suite éclairer sur le potentiel intellectuel / agressif / émotionnel de la personne. Et selon, on agit en conséquence (échanger, éviter, bloquer)
  • Changer ses mots de passe régulièrement, avoir des mots de passe complexes et activer les sécurités par double authentification (après le mot de passe, la plateforme vous demander un code envoyé par SMS, appel téléphonique ou via une application tierce) : cela limite que le harceleur qui est souvent fouineur n’arrive à accéder à certains de vos comptes…
  • Eviter de laisser trainer un maximum d’infos personnelles sur le web : régulièrement testez votre numéro de téléphone dans google pour savoir si des pages l’ont stockées et les faire effacer (en contactant le propriétaire de la page en question, ou à défaut son hébergeur, et en invocant RGPD, CNIL, etc.) ; idem avec vos emails personnels ; idem avec votre nom & adresse. Cela a pour but de réduire la facilité d’accès à des informations qui permettent de vous envoyer des messages ou d’aller à votre rencontre physique

Se défendre face à un cyber-harceleur

Si malgré votre hygiène numérique et vos actes de prévention, une personne commence à vous insulter / critiquer / solliciter de manière répétitive & pénible, via différents réseaux et sans possibilité de le bloquer définitivement, il convient d’agir progressivement (l’objectif n’étant pas de faire un cas #marvelfitness de tous les relous du net).

  1. Enquêter sur la personne en question à partir de ses profils, adresses, photos ; tous les éléments singuliers de son profil peuvent être cherchés dans google, ses photos en recherche d’images inversées (google, bing, yandex, tineye), etc. l’objectif est d’en apprendre un maximum sur lui (ou elle d’ailleurs)
  2. Consulter des associations d’aide pour recueillir leurs conseils (netecoute, hmstop, adchm, etc.)
  3. En parler à des proches pour recueillir des conseils ; c’est à double tranchant, ça dépend de vos amis… leurs solutions peuvent être pourries mais ça fait toujours du bien d’en parler (on est plus sur le psycho là)
  4. Faire constater les preuves de harcèlement pour constituer un dossier. Pour aller au tribunal, il faudra que ces pièces soient datées et constatées par huissier, ce qui a un coût. Si cela est trop pénible pour vous, demandez à un ami de le faire pour vous
  5. Signaler les contenus agressifs auprès de pointdecontact, internet-signalement et/ou la plateforme de publication ; s’il s’agit de commentaire sur un forum, un blog, etc. informer aussi l’hébergeur du site (idéalement le DG de la société d’hébergement ;-))
  6. Si malgré cela, le harcèlement continue, et à partir de ce moment seulement répondre au harceleur, par la voie la plus formelle possible, pour l’informer que son action gêne (il pourrait être suffisamment teubé pour ne même pas s’en être rendu compte) et lui demander d’arrêter, et sans aucune menace
  7. Si malgré cela, le harcèlement continue, il faut aller porter plainte, avec les preuves précédemment relevées

Combattre le cyberharcèlement

Combattre le cyberharcèlement, c’est lutter contre les pratiques haineuses des réseaux sociaux en général, sans être personnellement la cible première d’une attaque. C’est contribuer à la lutte contre le harcèlement en ligne (l’important étant de participer !) :

  • Ne jamais participer à des raids d’insultes ou de « pression » demandés par un tiers (même si c’est votre influenceur préféré et qu’il est trop cool) contre un individu (même si c’est la pire des crevures), même si ça a l’air rigolo, potache, bonenfant… c’est facile à faire, il suffit de prendre conscience que vous êtes manipulé par une personne que vous ne connaissez sûrement même pas en vrai, et que faire cela est une putain d’action de mouton débile
  • Être conscient que les réseaux sociaux sont un déversoir d’informations « qui énervent / font réagir » car ce sont celles que les gens partagent le plus, et que ce sont des nids à trolls et à neuneux peu doués en matière de raisonnement intellectuel & méthode analytique. Par conséquent, il faut apprendre à gérer ses émotions face à cela, et essayer de réagir « à froid »
  • Quand vous êtes témoin d’un harcèlement en ligne, contacter la personne harcelée en demandant si elle a besoin d’aide. Il n’est pas question de l’aider en participant à une action de contre-harcèlement qui serait un harcèlement lui même, mais de signaler un utilisateur, ou de prendre contact avec lui pour lui demander d’arrêter (cela dépend vraiment du contexte et des personnes, ce n’est pas un conseil générique), et surtout de voir si la victime est pas en train de vriller (avec le risque de mal réagir et d’en rajouter). Si c’est un proche et que le cyberharcèlement est en volume, proposez-lui de filtrer les commentaires à sa place

COMMENTAIRES RESEAUX SOCIAUX

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5 Commentaires

  1. N’étant pas youtubeur/influenceur/streamer, je suis assez peu exposé au cyber-harcèlement ou même aux commentaires simplement malveillant, mais l’application « Bodyguard » fait apparemment du bon boulot pour filtrer tous les commentaires haineux sur Youtube, Insta, Twitter, Twitch…

  2. #FreeMarvel
    (Juste par honnêteté intellectuelle)

    Mon avis : vos conseils, ici de sécurité personnelle, sont difficilement applicables parce que… Les Medias (pas que Internet) incitent à tout le contraire !

    Deux points me dérangent avec la notion de cyber-harcèlement.

    Le premier est que, de manière peu étonnante, vous recommandez en prévention de filtrer les gens avec qui on entre en interaction sur le Web. Sauf que les réseaux sociaux, et en fait Internet dans son intégralité, va dans le sens contraire ! Regardez cet article, ou même le fait qu’il ait une section « commentaires » ! D’où que j’ai du mal à être convaincu, sans avoir de solution à proposer.
    Une caricature de ce problème serait de dire que vous expliquez que pour combattre le réchauffement climatique, il suffit d’arrêter d’utiliser sa voiture, problème résolu. Sauf que…

    Enfin, le deuxième, le seul concernant l’affaire Marvel FItness (c’est vous qui avez commencé 🙂 ), mais qui en fait, rejoint le précédent. Parmi les nombreux problèmes que recèle l’affaire, il y a une problématique qui rejoint les éléments que vous développez ici, concernant le combat contre le cyber-harcèlement.
    Quid des personnalités publiques ? Leur témoigner de l’approbation est violemment encouragé par… Internet (pouces bleus, demandés par ces personnalités elles-mêmes, commentaires, etc…) ! Par contre, leur témoigner de la désapprobation, c’est du cyber-harcèlement ? Les manifestations contre une enseigne pour diverses raisons, c’est ok, par contre, laisser des commentaires négatifs, c’est du cyber-harcèlement ? Soyons clair: ce que je souligne ici, c’est une vraie problématique je pense, que le jugement a fait passer de latente et secondaire à impérieuse. Et je suis aussi conscient que concernant l’affaire Marvel, les choses ne sont pas aussi simple que ce que je viens d’écrire (on ne s’est pas arrêté à des écrans). Mais je relevais cette problématique ici justement car je pense qu’elle affaiblit beaucoup votre travail sur cet article.

    Que les gens souffrent, que certains propos peuvent être blessants, je ne dis pas le contraire. Mais, les propos de nombre de personnalités publiques ont les mêmes effets (dois-je vraiment illustrer ?). Donc, et le problème de fond est là, et c’est ce que je disais en début de post : vos conseils, ici de sécurité personnelle, sont difficilement applicables parce que… Les Medias incitent à tout le contraire !

    • Le sujet ici n’est pas #FreeMarvel. Si c’était le sujet, il faudrait analyser les raisons motivant ça, et elles sont nombreuses, certaines très bonnes et d’autres beaucoup moins.

      Sur les 2 points :

      – je recommande de virer les trolls (d’abord leurs commentaires, puis les bannir définitevement au bout de 3 fois… ou dès la 1e selon les propos tenus), ça n’a rien de nouveau. C’est facile si l’on n’est pas influenceur pro (ie que le volume reste à taille humaine). Sur de gros volumes, c’est moins jouable et il faut juste les ignorer et ne bannir que les harceleurs. Et ma reco n’a rien d’étonnante, c’est ce que font une majorité de community managers. Sur ce site, le volume est faible, les lecteurs hyper bienveillants & constructifs, donc les com’ sont ouverts ; depuis sa création (2008 !) je n’ai vraiment pas banni grand monde, de mémoire 2 relous (dont un vrai harceleur, malade) et une 10aine de spammeurs (en plus des filtres automatiques bien sûr). Pour les influenceurs pro, tu peux aussi paramétrer des filtres automatiques sur certains mots clés. Les plateformes ont toutes des systèmes (plus ou moins efficaces) pour aider à lutter contre la haine, et c’est en plein développement, elle disent comme moi en fait

      – il ne faut pas mélanger harcèlement & critique (et dire que « témoigner de la désapprobation est du cyberharcèlement » montre un problème d’incompréhension du sujet). Le harcèlement c’est la répétition de haine contre une personne, c’est le phénomène de la tête du turc dans la cour d’école qui a chaque récréation se prend des tartes dans la figure. Ca n’a rien avoir avec le sujet de la critique ; c’est l’acharnement répété. Tu n’aimes pas un influenceur, une vidéo… tu lui dis une fois et tu te barres de sa chaine, c’est normal, c’est la vie. Si par contre tous les jours tu lui envoies un message de haine, c’est du harcèlement car il faut être malade pour aller viser méthodiquement une personne juste parce que tu n’aimes pas les vidéos qu’elle fait. Donc le sujet n’est pas « ne pas avoir de propos blessant », mais « ne pas prendre une cible et s’acharner sur elle par diverses méthodes utilisées pour la faire craquer » car ce n’est plus de la critique mais une volonté d’atteinte psychologique

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