Le 12 septembre 1925, le fameux « Petit Journal » publiait un article que j’ai voulu partagé avec vous : « L’ART DE SE DÉFENDRE DANS LA RUE SI L’ON EST ATTAQUE PAR DES APACHES », par Charles Ledoux, champion de France & d’Europe de boxe anglaise.

A la fois cet article est complètement dans le prolongement de Protegor qui n’a fait que rassembler des éléments existants (on n’invente rien, parfois on les redécouvre seulement), comme des Emile André ou Jean-Joseph Renaud avaient déjà fait il y a plus d’un siècle. Et en plus de ce rappel à l’humilité, cet article sur « se défendre dans la rue » rappelle l’intemporalité de certains conseils de sécurité personnelle : la connaissance de soi & confiance en soi, la prise d’initiative, l’équilibre, la mesure et contrôle de ses émotions, etc.

Bonne lecture !

L’ART DE SE DÉFENDRE DANS LA RUE SI L’ON EST ATTAQUE PAR DES APACHES

Vous désirez savoir ce qu’il faut faire dans la rue, si vous êtes attaqué par des apaches ? Vous ne pensez pas que cet art s’apprenne en quelques lignes. J’aime autant vous dire également qu’il nécessite une assez grande expérience, non pas que les coups soient difficiles à porter, mais parce qu’il faut un à-propos, un coup d’oeil, une vitesse que l’habitude des sports seule permet d’acquérir.

Et, surtout, il ne faut pas avoir peur, ni retenir le coup quand on le lance.

Je commencerai par une anecdote personnelle que je vous demanderai de garder pour vous. J’ai confiance en votre discrétion.

Un jour, je me préparais à prendre le Nord-Sud, avec ma femme, lorsqu’un voyageur trop pressé la bouscula et, au lieu de s’excuser, l’insulta. Pris dans la foule, je me dégage, rejoins le goujat et lui donne ce conseil, dicté par les lois de l’urbanité : « Vite, faites des excuses à la dame ». Il me toise, me juge sans importance, car il me dépassait de la tête, des épaules et d’une partie du buste, et me répond grossièrement. Je recommence, avec une inflexion de voix très câline : « Allons, allons, faites vite des excuses à la dame. » Nouveau torrent d’injures.

La boxe m’a appris à être patient. Je renouvelle ma prière : «Pour la troisième et dernière fois, je vous ordonne de faire des excuses à dame, sinon, je pourrais me fâcher.»

Il se met à rire, à me menacer et à nous réunir, ma femme et moi, dans son déluge d’imprécations. J’avais tout tenté pour le ramener à la raison. Il avait eu tort de ne pas m’écouter. Je l’avais prévenu. J’agis. Je soulevai simplement mon poing et l’envoyai dans la direction de l’estomac du malotru. Je crois qu’il dut toucher au bon endroit, car aussitôt la masse se répandit sur le sol dans un soupir. J’étais devenu le plus grand des deux.

Le public entoura mon adversaire. Je n’insistai pas. Il se releva, plutôt abruti, et monta dans le même wagon que nous. Quelques personnes compatissantes lui donnaient des conseils — les conseilleurs ne sont pas les cogneurs — et l’encourageaient : « Si j’étais à votre place, je lui flanquerai mon poing sur la figure, à ce petit. » L’autre répondait évasivement, à mi-voix, pour que je ne l’entende pas : « Oui, tout à l’heure, il saura de quel bois je me chauffe. » Il descendit en se faufilant à la station suivante.

Ce knock-out n’a jamais été porté sur mon record. Il est vrai qu’il ne me rapporta pas un sou.

Eviter les grands gestes

Je ne vous ai pas cité cet exemple pour vous encourager à le suivre, mais pour vous prouver que les grands gestes sont inutiles si l’on veut se rendre justice. Ils sont même nuisibles. Un petit coup sec vaut mieux qu’une attaque qu’on semble téléphoner.

Ne croyez pas, d’autre part, que j’aime me colleter dans la rue. Cet incident est le seul qui me soit jamais arrivé. Mais, lorsqu’on est petit, on doit parfois recourir aux arguments frappants pour se faire respecter, n’est-il pas vrai ?

Soyez d’ailleurs assuré que rien n’est plus débonnaire qu’un boxeur conscient de sa force, il n’en abuse pas. Il sait qu’il n’a rien à craindre le cas échéant, aussi ne recherche-t-il pas les occasions de faire preuve de sa puissance. Et c’est une des raisons pour lesquelles on ne saurait trop recommander la pratique du noble art aux jeunes gens… et souvent, aux boxeurs de métier eux-mêmes !

Lorsqu’on a appris les principes de l’escrime des poings, on comprend que la brutalité n’est pas un argument, que la violence ne donne pas forcément raison à celui qui a tort. On devient patient et doux, parce qu’on sait ses ressources physiques. Je crois que les champions de boxe ayant eu des altercations dans la rue sont infiniment rares. Certains même, parmi les plus fameux, ont été traités de lâches, pour s’être refusés à répondre aux provocations d’individus qui n’auraient pas pesé lourd devant eux. Le boxeur s’en soucie peu. Il hausse les épaules et passe. Que lui importe ? Habitué à se peser, il se connaît.

Il est des cas, cependant, où une semblable chevalerie deviendrait une imprudence grossière. Les rues ne sont pas toujours sûres la nuit. Il est nécessaire de ne pas trop compter sur l’arrivée de la police pour être défendu. Donc, en attendant, il faut riposter et faire place nette. Contre l’apache, pas de quartier, la sauvagerie est presque de rigueur.

Pendant longtemps on s’est imaginé que la boxe française constituait la meilleure méthode de défense personnelle. On sait que ce sport admet les coups de poing et les coups de pied.

Evidemment quatre membres peuvent sembler plus efficaces que deux. Mais il faut réfléchir avant de prendre position : je vous affirme que vous serez plus sur des résultats d’un coup à l’estomac ou d’un crochet à la machoire que des ravages d’un coup de pied de figure ou même d’un coup de pied bas.

Le premier principe dans le combat de rue consiste à se tenir très près de l’agresseur et à observer ses moindres mouvements. S’il a les mains dans les poches, abattez-le avant qu’il ne les ait sorties, car il doit préparer un couteau ou un revolver.

En employant la boxe française, vous devez disposer d’un certain espace. Supposez que vous fassiez un faux mouvement, que vous glissiez, que l’apache vous saisisse la jambe ou qu’un complice vous déséquilibre par derrière : vous serez annihilé, à la merci des assaillants qui sauront se venger de votre révolte.

Donc, recourez plutôt à la boxe anglaise.

Nous avons vu qu’il était nécessaire de pratiquer le combat rapproché. C’est le principe capital.

Placez-vous de préférence contre un mur

Le second est tout aussi précieux à observer : en cas d’agression, ayez soin de vous placer imédiatement contre un mur pour éviter les attaques traîtresses. De cette façon, vous conserverez toute votre lucidité d’esprit sans rien redouter et vous pouvez même tenir tête à deux ou trois assaillants qu’il vous sera possible d’éliminer tout à tour. Dame, il ne faudra pas agir avec sensiblerie, ne pas craindre de faire mal. Pas d’hésitation. Une seconde de réflexion peut suffire à causer votre perte.

Dans la rue, il ne faut pas s’inspirer de la phrase de Fontenoy : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers. » Non, dès que vous vous êtes aperçu de l’attitude menaçante de l’agresseur, n’attendez pas qu’il commence, sinon vous êtes perdu.

La seule méthode possible est celle qu’en argot de boxe on appelle le rentre dedans.

Charle Ledoux, champion d'Europe de boxe anglaise, auteur de "se défendre dans la rue si l'on est attaqué par des apaches"
A gauche, de haut en bas : Le crochet du droit à la face. Si l’adversaire a les mains dans les poches, abattez-le.
A droite : Ayez soin de vous placer contre un mur. Les résultats du coup à l’estomac.
Au centre : Charles Ledoux, l’ex-champion de France et d’Europe de boxe, catégorie poids coq.

Il ne faut pas avoir peur

Je crois vous avoir indiqué toutes les notions dont vous devez vous inspirer en cas de danger dans la rue. Il s’agit là du moral qui doit vous faire agir. Ajoutez qu’il ne faut jamais avoir peur. Pourquoi voulez-vous que l’apache soit plus fort et plus malin que vous ? Il n’y a aucune raison. N’hésitez pas à vous affirmer à vous-même que, défendant une cause juste, c’est à vous que doit revenir la victoire.

Soyez assuré que la confiance en soi est le commencement du succès. Que cette confiance en soi ne devienne pas, cependant, exagérée : elle s’appellerait alors prétention. Et, cas plus que sur le ring, il ne faut, dans la rue, mésestimer un adversaire. C’est en croyant vaincre facilement que nombre de champions ont rencontré la défaite. De même, dans l’agression nocturne : c’est en s’imaginant que l’on aura facilement raison du voyou, c’est en le considérant comme quantité négligeable que l’on reçoit un mauvais coup.

Donc, confiance en soi, mais prudence !

Il faut chercher l’attaque qui finira immédiatement le conflit. Se débarrasser aussi vite que possible de son assaillant est la seule tactique à employer. Et quand je dis «se débarrasser», j’entends qu’il faut mettre l’apache hors d’état de nuire pendant longtemps : l’étaler knock-out et, au besoin, fignoler l’œuvre par un magnifique coup de talon sur la figure. C’est mauvais pour les dents, les yeux et le nez, mais excellent pour la sécurité publique.

Là, du moins, la boxe française reprend ses droits !

Il existe un code de la route mais il manque un code de la défense dans la rue. C’est regrettable. Vous avez dû remarquer, en effet, que dans toutes les rixes, dès qu’un coup est porté, la foule se rue et sépare les belligérants sans se soucier de savoir celui qui a raison. Neuf fois sur dix, c’est le juste qui a encaissé et le méchant qui s’en va, tout joyeux. Ces rencontres qu’on ne saurait d’ailleurs recommander, rappellent la scène des clowns : «Quand je dirai «boxez», nous commencerons ; quand je dirai : «finissez», nous nous arrêterons.» Et dès que Footit prononçait « boxez », il portait un immense coup, suivi d’un immédiat et impératif «finissez», qui empêchait Chocolat de riposter. C’est pourquoi il faut toujours être celui qui porte le premier coup.

Charles Ledoux.

L'article "l'art de se défendre dans la rue si l'on est attaqué par des apaches" publié dans le Petit Journal le 12/09/1925
L’article original « l’art de se défendre dans la rue… »

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4 Commentaires

  1. Bjr, le hic en 2020 (et avant) c’est que la loi protège/défend le délinquant au lieu du citoyen…alors goûter aux affres de la justice gauchiste, non merci!

  2. Cette même justice laxiste et déficiente permet au délinquant de persévérer dans ses actes délictueux met en prison la victime se défendant, usant par stratagème de la technique de l’inversion accusatoire « nous sommes en faute mais tant pis pour vous, vous vous êtes défendu c’est donc vous le fautif puisque vous n’avez pas à vous faire justice! »
    Donc le choix reste au final: la taule ou l’hôpital voire le cercueil!

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