Un peu plus de 15 jours après la publication de mon article sur le Corona Virus « 2019-nCoV », et au lendemain de ce qui devait être la rentrée officielle en Chine, à savoir la reprise du travail après les congés du Nouvel An, j’ai interviewé quelques personnes habitant en Chine pour avoir un retex (retour d’expérience) de ce qu’il se passait vraiment sur le terrain et avoir un aperçu de ce qu’était la vie, confinés chez soi pour ne pas attraper le Coronoa virus récemment rebaptisé « COVID-19 ».

Pour rappel (ceux qui me suivent le savent déjà), j’ai vécu en Chine (donc un réseau d’amis chinois & expats là-bas, ce qui m’a permis facilement d’avoir des infos de confiance), et j’ai connu SRAS (1e semestre 2003) à Pékin avec une situation de confinement a priori similaire, mais tout de même moins imposée et généralisée qu’aujourd’hui. Au-delà du virus, différent, il faut comprendre que la Chine a énormément changé entre 2003 et 2020, le pouvoir s’est renforcé, la surveillance aussi, les nouvelles technologies sont passées devant les usages que nous avons chez nous. 2003 en Chine, c’était un peu les 80s en France, une forme de liberté et de joie de vivre. 2020 c’est plutôt 1984 ^^

Parmi les personnes interrogées, j’ai contacté des profils très différents :

  • un expat’ français à Pékin
  • un expat’ français à Shanghai en voyage
  • un couple de chinois retraités vivant dans la province du Hebei (autour de Pékin)
  • un jeune développeur chinois vivant à Shanghai
  • un animateur TV chinois de Pékin en vacances en Thaïlande
  • un businessman chinois de 50 ans vivant à Pékin
  • et personne de Wuhan car je connais personne là-bas, sorry 😉

J’ai principalement utilisé Wechat (écrit ou call) pour les questionner. Wechat c’est un des gros réseaux sociaux que tout le monde utilise en Chine. J’y ai trouvé quelques visuels intéressants aussi. Les questions ont été globalement les suivantes : Comment se passe la vie confinés à la maison ? Comment sortez-vous de la maison ? avec ques vêtements / protection / précautions ? Qu’est-ce qui vous manque comme produits aujourd’hui ? Les prix ont-ils beaucoup évolué ? Qu’est-ce qui est le plus difficile à vivre ? Les voisins se comportent comment ? Comment vous informez-vous ? Avez-vous des médicaments ? De quoi avez-vous plus peur ?

Que ce soit Pékin ou Shanghai ou les autres grandes villes du Hebei, tous les feedbacks sont unanimes : la ville est morte, vide, désertée, bloquée. Malgré la reprise du travail qui devait se faire lundi, rien… personne dans les rues, très peu de voitures, quelques tricycles des livreurs. Quand on voit la taille de ces villes (Shanghai et sa banlieue c’est plus grand que la France en nombre d’habitants), on se dit « wow, l’efficacité du confinement ». Alors justement, ce confinement est-il forcé ? oui et non, j’ai eu des réponses différentes, et c’est normal, car chaque ville n’a pas pris les mêmes mesures.

A Pékin & Shanghai, les sorties ne sont pas contrôlées. Dans d’autres villes en revanche, un système de restriction des sorties par tickets ou listing a été mis en place avec des règles différentes. Parfois « 2 heures par jour par personne », parfois « 1 personne par foyer tous les 2 jours sans limitation de durée », etc. Le contrôle est effectué par des « agents de sécurité » à la sortie des grandes « résidences », il est parfois demander de signer (contrôle classique des entrées/sorties). Certains prennent la température avec des appareils sans contact. Il faut avoir en tête qu’en Chine, dans les grandes villes, il y a beaucoup de complexes d’immeubles / petits quartiers avec gardiens et surveillance (à la base contre le vol). Si l’on sort sans masque, il y a de fortes chances de se le faire reprocher. Il est aussi interdit de trop se regrouper quand on est dehors… 2-3 personnes ça va, mais si un groupe commence à se former pour une raison quelconque, il leur est demandé de se séparer. Encore faut-il des gens pour mettre cela en application…

Sur cette capture d’écran WeChat, une internaute indique qu’elle a fait des courses « pour 1 mois », et que dans sa ville, chaque personne peut sortir 2 heures par jour ; ils sont 7 dans sa famille, donc tous cumulés ont 14 heures possibles pour des achats/sorties

Globalement, les personnes interrogées sortent de chez elles tous les 2 ou 3 jours pour faire des courses de nourriture dans les petits supermarchés de quartier restés ouverts. Personne ne m’a dit avoir du mal à trouver des magasins ouverts, même s’ils reconnaissent que c’est le minimum qui est ouvert, bien sûr. Certains prix ont légèrement augmenté : on m’a parlé du frais et de la nourriture livrée. Beaucoup se font en effet livrer la nourriture à la grille des résidences (interdiction bien sûr aux livreurs d’entrer dans les immeubles), les résidents descendent chercher leurs livraisons en bas. Les prix des plats livrés ont augmenté (le petit jeune à Shanghai me dit se faire livrer pour 30 RMB par repas (au lieu de « plutôt dans les 20 RMB avant »), soit 4€ ; il doit gagner dans les 800€ par mois de salaire pour donner une idée de ce que ça représente). Mais l’embrasement des prix a été calmé par une loi punissant fortement (de ruine totale…) tous commerçants qui absuraient de la situation, notamment ceux qui achèteraient tout un stock d’un produit important pour le revendre avec une marge démesurée. Il n’y a pas eu encore de cas d’application de cette loi à ma connaissance, mais les chinois en ont entendu parler et ça a pu freiner quelques ardeurs.

Exemple d’une installation dans un immeuble qui n’a pas stoppé les ascenceurs (c’est le cas dans l’immeuble de mon contact à Shanghai) et a installé une solution de fortune pour ne pas avoir à toucher les boutons de commande

Toutes les personnes questionnées ont le moral, ils passent beaucoup de temps évidemment sur les médias. Le jeune me dit suivre les infos sur NetEase News. Le businessman m’a dit s’être fait l’intégral de James Bond et trouve Daniel Craig finalement mieux que Sean Connery. Le jeune retraité en profite pour binge-viewer toutes les séries qu’il avait de retard. Sa femme essaye de nouvelles recettes de cuisine et lit beaucoup. Il y a un côté résignation certain. La retraité qui a certes peur pour sa santé et pour une chute de l’Empire du Milieu, dit que le virus peut aussi être un mal pour un bien sur certains aspects : c’est une expérience de la vraie valeur de la vie, ça montre aussi toute l’importance de la famille et redonne le goût de vie en famille. Beaucoup de familles se sont regroupés et comme dans les temps à peine plus anciens, enfants, parents & grands-parents s’entraident et vivent ensemble.

« On n’en sait pas plus, c’est le flou total », tout le monde sait qu’il est difficile d’avoir les vraies infos sur ce qu’il se passe, d’autant qu’il n’y a pas de prises de paroles officielles et régulières du Ministre de la Santé (ce qui se ferait en occident). Les infos que nous avons via Twitter sur les toutes dernières découvertes sur le virus, par exemple qu’il se transmet aussi de manière asymptomatique (une personne sans symptômes, sans toux, sans fièvre, peut avoir le virus et le transmettre), sont connues de toutes et tous en Chine. Les rumeurs vont bon train, comme chez nous. L’histoire de Li Wenliang, lanceur d’alerte pas écouté (et même menacé) récemment décédé est aussi largement connue. Il y a aussi énormément de rumeurs sur des origines étrangères (américaines ?) du virus qui touche la Chine et très peu les autres pays, créant des peurs de guerre. Les sources d’infos sont principalement via les réseaux sociaux & la TV. Tout le monde est conscient du manque de fiabilité des médias.

L’expat français à Pékin a des amis à l’Ambassade de France, il les a eu au téléphone très récemment, il semble qu’aucun diplomate ne soit parti encore. En revanche, pas mal d’expatriés étaient partis hors de Chine pendant les vacances du Nouvel An et beaucoup ont logiquement décidé de ne pas rentrer et patienter ailleurs, sur leur lieu de villégiature ou dans un autre pays, loin de Chine. C’est aussi le cas du chinois en vacances en Thailande qui vient de repousser encore d’une semaine son vol retour. Les écoles sont fermées officiellement jusqu’à mi-mars, officieusement mi-avril. Du télé-enseignement s’est mis en place dans la plupart des établissements, les profs font des sessions en Live sur les réseaux sociaux. Un chinois me fait la réflexion que tout cela va avoir un impact énorme sur l’après-virus, avec notamment un boost dans le développement de l’usage du web, du télétravail et du télé-enseignement.

Les produits difficiles à trouver sont le frais : les légumes (prix a fait x 2), le pain & yahourt (logique, il n’y a pas de pain & de yahourt en Chine culturellement, ce n’est apparu que récemment dans les grandes villes, motivé par le nombre d’expatriés), les masques & désinfectants SHA sont introuvables. Les retraités par exemple ont réussi à se faire un stock de masques pour leur sortie grâce à leur réseau d’anciens collègues fonctionnaires… en période de survie, le « réseau » joue énormément bien évidemment (il joue déjà beaucoup en temps normal en Chine). Les relations avec les voisins n’a pas changé de ce que me disent la plupart. Un expat’ me dit que beaucoup de ses voisins étrangers sont partis, renforçant l’idée de « ville vide ».

A part une personne, tous pensent que ça va durer des mois, que ce 1e trimestre 2020 sera économiquement un désastre, et que le salut tiendra à la remontée des températures. Sauf que cette remontée n’est pas avant plusieurs mois. La plus grande peur des plus vieux est d’être touché par le virus, et des plus jeunes de perdre leur job. La plus grande difficulté pour l’instant n’est « que » l’absence de vie sociale et la privation de « liberté de mouvements », montrant que l’on reste dans le haut de la pyramide de Maslow.

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