Un des fidèles lecteurs de Protegor vient de m’envoyer ce « retex » (retour d’expérience) d’évacuation suite à l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen le 26/09/2019. Je remercie Vincent A. de cette initiative et partage celà avec vous toutes / tous.

Chronologie d’une évacuation

J’habite dans l’agglomération de Rouen (rive droite), avec une vue dégagée sur toute la vallée, à 3 kilomètres de l’usine Lubrizol.

Conscient des risques d’accidents industriels j’ai déjà réfléchi rapidement à une procédure d’évacuation personnelle et identifié des points de chute potentiels.

Je suis intéressé par les questions de sécurité personnelle et lecteur de protegor depuis plusieurs années.

5h00 : Réveil par une série de 6 explosions. Les bruits inhabituels ressemblent à ce que je connais de travaux de la SNCF sur les voies de chemins de fer ou d’une voiture qui explose.

Une vérification visuelle me permet de découvrir le foyer de l’incendie, l’épais nuage de fumée, les explosions qui continuent ainsi que les gyrophares des services d’intervention.

La colonne du nuage de fumée est en direction du Nord, mon domicile étant situé au Nord-Ouest je ne suis pas directement sur son chemin.

Une recherche sur internet (article de presse par google actualités) m’apprend que l’incendie avait commencé à 2h30 et qu’il s’agit de l’usine Lubrizol, classée site Seveso. Le compte twitter de la préfecture précise uniquement un incendie en cours et un périmètre d’intervention à respecter.

Les routes alentours sont calmes et dégagées.

Gros nuage de fumée et explosions + site Seveso + axes routiers dégagés : nous prenons donc rapidement avec ma compagne la décision d’évacuer.

Le lieu de refuge naturellement décidé est chez mes beaux-parents situés à 50 km à l’Ouest.

Nous ne disposons pas de Bug out Bag mais le concept m’est familier et nous le préparons facilement. Affaires emportées : vêtements de rechange pour deux jours, trousses de toilette, un peu de nourriture, lectures et ordinateur.

6h00 : Evacuation. Les fumées n’étant pas dans notre direction nous prenons notre temps pour l’évacuation. Je souhaite de plus éviter de stresser ma compagne.

7h00 : Arrivée avec les croissants chez mes beaux-parents pour une journée tranquille en famille à la campagne. Sur la route textos aux voisins et amis rouennais pour les avertir de la situation.

8h00 : Messages aux proches en dehors de la région pour les tenir informés.

9h00 : Message de mon employeur recommandant de ne pas venir travailler.

Conclusions de Vincent

  • Importance de la communication en intégrant la gestion du stress des personnes impliquées
  • Importance d’avoir identifié des points de chute dans différentes directions
  • Un Bug Out Bag peut faire gagner du temps et éviter des oublis
  • Avoir suivi le MOOC « Gestion de crise » sur FUN m’a été très utile

Update : Réintégration après l’évacuation

Suite à l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen et à l’évacuation de notre logement avec ma compagne, nous avons été confrontés à la décision du retour.

Jeudi 26/09

  • Incendie de l’usine Lubrizol, évacuation à 6h dans notre famille située dans la campagne à l’Ouest.
  • La communication de la Préfecture précise qu’ « au vu des premières analyses, il n’est pas mesuré de toxicité aiguë dans l’air ». On comprend que les risques à courts termes sont limités (irritations, nausées, maux de tête …) mais que les risques à moyen/long terme seront difficiles à évaluer. Mes sources d’informations : Twitter et sites officiels, presse et Facebook (avec du recul).

Vendredi 27/09

  • L’incendie est déclaré éteint.
  • Certains établissements réouvrent (Université …) d’autres non (écoles …).
  • Un voisin resté sur place nous confirme qu’il n’y a plus de fumée.
  • Dans l’après-midi, passage d’une heure à l’appartement pour prendre des affaires et constater la situation.
  • Aucune odeur à l’extérieur, mais odeur présente dans l’appartement (mélange d’odeur de gaz et essence), vite dissipée après aération.
  • Aucune trace de suie sur le balcon ni dans le voisinage.

Samedi 28/09

  • Annonce de la présence d’amiante dans la toiture de l’usine qui a brulé.

Dimanche 29/09 – Réintégration du logement

  • Retour en dehors des heures d’affluence.
  • Achat de matériel (masques de protection…) en Ile de France où nous avons passé le week-end.
  • Grand ménage au retour dans le logement : ménage à l’eau (recommandation officielle, surement pour éviter d’éventuelles réactions chimiques), sans aspirateur pour éviter de soulever des poussières. Lavage plafonds, murs, meubles, sols et lessive des textiles sortis.
  • Je me suis de plus inspiré d’articles sur les nettoyages après incendie.
  • Matériel : combinaison de peinture, masques de protection, gants ménagers, chiffons et serpillères microfibres en nombre pour être jetés ensuite.

Semaine du 30/09

  • En intégrant les contraintes professionnelles et personnelles nous décidons de partir de Rouen plusieurs jours de la semaine et le weekend.
  • Les jours sur place nous avons adapté nos activités au contexte.
  • Notre logement est bien situé par rapport aux vents et à la position de l’usine, mais nous avons à plusieurs reprises ressentis les odeurs nauséabondes.
  • Je ne passe que rapidement en centre ville, le temps d’une correspondance, des vagues d’odeur y sont présentes et très localisées.
  • À très faible exposition c’est supportable mais je plains ceux qui restent exposés plus longtemps.

Remarques additionnelles sur l’évacuation

L’exemple de Vincent A. est intéressant tout particulièrement pour moi dans la phase de décision d’évacuer. Vincent n’était pas à 2 pas de l’usine ou directement sous la fumée, ce qui l’aurait mis de fait dans une situation d’urgence imminente, voire même il aurait été évacué par les pompiers dès 3h du matin… il était juste dans une zone « grise » où à la fois le danger peut ne pas sembler proche (la fumée ne va pas dans la direction, c’est à plusieurs kilomètres, les médias ne sont pas alarmants) et là, il faut peser le pour et le contre : évacuer ou pas ?

  • Est-ce vraiment grave ? (on ne le saura qu’après, donc précaution quand il y a un faisceau d’indices qui font se dire que l’on est dans une situation tout de même exceptionnelle et pas encore maitrisée)
  • Faut-il partir ou se cloitrer chez soi ? (grande question NRBC…)
  • Est-ce que je suis parano de vouloir évacuer pour un incendie à 3km ? (équilibre en paranoia & inconscience, là on se pose la question et on fait un choix personnel)
  • Est-ce que je peux ne pas aller au boulot aujourd’hui ? (ça dépend du boulot (Vincent n’est pas pompier ^^), des contraintes associées, des relations avec son chef… mais même si Vincent avait un rendez-vous pour signer un contrat à 1 million d’euros ce jour-ci, on est dans un cas de « force majeure » comme disent les contrats… depuis toujours le business prévoit des cas exceptionnels et n’en tient pas rigueur)
  • Est-ce que je peux déranger mes beaux-parents à 7h du mat ? (oui, c’est un point important du choix du point de chute ; au pire ils feront la tête 15 minutes, ça va ^^ NB : je ne connais pas les beaux-parents de Vincent)
  • Est-ce que ma compagne va comprendre cette décision ? (être aligné avec la personne avec qui on partage sa vie sur la gestion des situations à risque (3A/3V, cf Protegor) est rarement évoqué car très personnel, et pourtant clé ; c’est pas quand la situation est tendue qu’il faut s’engueuler :))

Pour le BOB, je n’ai toujours pas fait l’article BOB sur le blog, mais la constitution du Bug-Out-Bag est détaillée dans la dernière version de Protegor.

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  1. Update du 07/10/2019 : ajout de la réintégration du logement

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