Quand j’étais gosse, je rêvais d’un hélicoptère radio-commandé. C’était cher, compliqué à piloter… élitiste. Je n’en ai jamais eu. Et puis sont arrivés les drones, qui aujourd’hui sont accessibles à tous, top des cadeaux de Noël de ces dernières années (avec une marque française qui s’en sort bien, bravo Parrot)… et quand on croise ce succès à celui des GoPro et autres mini-caméras, on peut se faire très facilement un bel outil de surveillance… ou d’espionnage.

Dangers

Les drones sont, en sécurité personnelle, vus immédiatement comme des dangers de protection de la vie privée, notamment car ils sont aujourd’hui tous dotés de caméras HD/4k très performantes permettant de zoomer et voir précisément à des distances relativement éloignées… espionnage par un voisin malveillant, un/une « ex », un cambrioleur en repérage ou souhaitant vérifier une présence dans une propriété, etc.

Les drones sont aussi des risques d’accident quand ils chutent, et cela arrive assez souvent (hein Marcel ?).

Et puis le troisième danger est le drone en tant qu’arme… la vidéo ci-dessous qui a pas mal buzzé donne un (mauvais) exemple de ce qu’un drone peut aider à faire ! (et on pourrait même imaginer des drones-kamikaze, etc.)


Comment se débarrasser d’un drone ?

antidroneAux Etats-Unis notamment, certains réfléchissent aux options pour se débarrasser d’un drone au-delà du bon vieux fusil de chasse et sa volée de chevrotine. Il y a des travaux sur les munitions d’armes à feu (des slugs spéciales seraient à l’essai… on peut aussi penser à une adaptation des fusils lance-filet de la police chinoise, etc.) mais surtout, le vrai bon moyen de stopper un drone, c’est de brouiller sa communication avec son pilote, et donc perturber les ondes entre télé/radio-commande et le drone. Le « fusil » ci-contre (DroneDefender de chez Battelle) est une illustration des nouvelles armes anti-drones qui voient le jour.

 

 

Mais que dit la loi en France ?

Baptiste-RobelinJ’ai demandé à Maître Baptiste Robelin de nous expliquer ce que dit la loi française sur les drones :

« L’utilisation de drones par des particuliers, en vogue depuis quelques années, a très vite conduit les autorités publiques à imposer certaines contraintes aux « télépilotes » pour garantir la sécurité des biens et des personnes. Alors que les premiers arrêtés ont été pris dès 2012, la réglementation s’est vue réformée en profondeur par deux arrêtés du 17 décembre 2015[1]. À l’heure actuelle, l’utilisation d’un drone est soumise à plusieurs impératifs, comme l’obtention d’une autorisation préalable. Par ailleurs, le respect de ces contraintes n’empêche pas que la responsabilité de l’utilisateur puisse être engagée en cas de dommage, particulièrement en cas de captation d’images.

L’autorisation préalable à l’utilisation du drone

L’utilisation en extérieur d’un drone est soumise à la réglementation des activités aériennes. Les règles applicables à l’aviation civile sont donc applicables de sorte que, sauf exception, l’usage du drone en extérieur est soumis à l’exigence d’autorisation préalable. Celle-ci est délivrée par le ministre chargé de l’aviation civile, généralement par l’intermédiaire de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), et peut, selon les catégories de drones et l’usage qui en est attendu (activité professionnelle comme l’épandage, expérimentation…), porter à la fois sur le modèle de drone utilisé et sur les capacités de son utilisateur. Les utilisations commerciales ou professionnelles doivent également faire l’objet d’autorisations spéciales, délivrées par la DGAC.

Un traitement de faveur est toutefois accordé à la simple utilisation de loisir ou de compétition du drone, alors qualifié d’aéromodèle. En effet, à condition que le poids de celui-ci n’excède pas 25 kg, l’utilisation est alors libre : ni le drone ni son télépilote ne doivent être préalablement autorisés, évitant ainsi de nuire à la pratique désintéressée, d’amateurs, de cette activité. L’un des enjeux essentiels de la réforme de la réglementation opérée en 2015 était par ailleurs de préciser la possibilité, dans le cadre de cet usage, de procéder à une captation d’images, ce qui est désormais acquis (sous réserve du respect des règles qui la régissent).

Les contraintes imposées pendant l’utilisation du drone

L’utilisation du drone n’est autorisée que dans certaines conditions qui doivent être scrupuleusement respectées. Ainsi celle-ci n’est-elle pas admise dans certains lieux. Sans autorisation, l’utilisation du drone en présence d’un rassemblement de personnes ou au-dessus de l’espace public en agglomération est interdite. En-dehors de celui-ci, l’article L6211-3 du Code des transports rappelle que, comme tout aéronef, l’utilisation du drone ne doit pas porter atteinte à l’exercice du droit du propriétaire des terrains survolés. Une vigilance accrue s’impose également à proximité de lieux sensibles. L’utilisation de drone est en effet interdite à proximité d’aérodromes, en-deçà de distances minimales de sécurité imposées. Sans prétendre à l’exhaustivité, le survol de lieux sensibles, tels que les centrales nucléaires, les terrains militaires ou les monuments historiques, doit encore être évoqué : prohibé, il engage lourdement la responsabilité pénale de l’utilisateur (jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45.000€[2]).

Survoler des personnes est également fermement condamné en raison du risque auquel celles-ci se verraient ainsi exposées. Le délit pénal de mise en danger délibérée d’autrui, puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende[3], est alors applicable, et a même été poursuivi en 2014 dans une affaire médiatisée[4].

Certaines limitations de hauteur sont encore imposées : le drone ne doit pas s’élever à plus de 150 mètres du sol, distance abaissée jusqu’à 50 mètres dans certaines zones, comme à proximité d’aérodromes ou de zones d’entrainements militaires.

Des exigences, plus ou moins strictes selon les autorisations obtenues par l’usager, sont également relatives à la vision directe que doit avoir le télépilote sur son drone. Cela a conduit les pouvoirs publics à en interdire l’usage nocturne, et à imposer que l’usager ait une vue directe permanente sur l’objet piloté (certains assouplissements ont toutefois été prévus pour les plus petits engins, inférieurs à 2 kg, ou après autorisation préalable, à condition qu’une seconde personne dispose d’une telle vue sur le drone).

Si la contravention à ces règles engage la responsabilité pénale de l’utilisateur sans qu’aucun dommage en soit résulté, sa responsabilité peut également être retenue dans le cas où un dommage résulterait de son utilisation.

La responsabilité encourue du fait de la survenance de dommage

Le respect des normes préventives n’exonère pas l’utilisateur de son obligation de réparer les dommages qu’il cause aux personnes ou aux biens. En effet, le droit français a consacré de longue date la responsabilité sans faute du gardien d’une chose. De la sorte, l’utilisateur d’un drone qui causerait, par son utilisation, un dommage quelconque aux personnes ou aux biens serait obligé à le réparer selon les conditions de la responsabilité civile délictuelle sans faute.

Certains instruments du droit commun tels que la théorie des troubles anormaux de voisinage pourraient également être mobilisés contre un utilisateur de drone. En effet, cette théorie, qui sanctionne le trouble « excédant les inconvénients normaux du voisinage », pourrait être invoquée par une personne, propriétaire ou locataire, dont la tranquillité ou la qualité de vie serait affectée par un trouble, anormal par son ampleur ou sa répétition. Rappelons que la Cour de cassation a récemment affirmé que l’existence d’un simple risque pour la sécurité des personnes ou des biens, même non réalisé, peut être réparée sur ce fondement[5].

La responsabilité encourue du fait de la captation d’images

Si la captation d’images est possible, même sans autorisation en cas d’usage de loisir, cette liberté est fermement encadrée par les règles relatives à la protection de la vie privée. En effet, l’atteinte à l’intimité de la vie privée est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000€ d’amende. À ce titre, la simple « fixation » ou « enregistrement » non consentis de l’image d’une personne dans un lieu privé, sans même qu’une diffusion de ceux-ci soient réalisés, suffit à engager la responsabilité pénale de l’auteur, tandis qu’un dispositif similaire existe en cas d’enregistrement non consenti des paroles d’une personne. Hors du champ pénal, l’article 9 du Code civil, qui garantit le droit à la vie privée, peut également fonder la demande en indemnisation de la victime, obligeant ainsi l’utilisateur à réparer le dommage causé. De manière plus spécifique, la captation d’images au-dessus de zones sensibles fait également l’objet de dispositions propres, pouvant lourdement engager la responsabilité pénale du télépilote[6].

Si ces règles sont aujourd’hui connues et ne soulèvent pas d’incertitude majeure, l’un des usages possibles des drones demeure dans un certain flou juridique qu’ont relevé certains auteurs : l’usage à fin de surveillance[7]. En effet, si cette possibilité doit être reconnue au profit de l’autorité publique, alors soumise au Code de la sécurité intérieure, la faculté de surveillance par des personnes privées est plus douteuse juridiquement. En ce cas, l’utilisateur devrait se soumettre aux exigences imposées par la loi dite « Informatique et libertés », et ne pas manquer de déclarer ou obtenir de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) une autorisation préalable. »

[1] Arrêtés du 17 décembre 2015 relatifs « à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent » et « à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord ».

[2] Voir par exemple : Art. L6232-2 du Code des transports.

[3] Art. 223-1 Code pénal.

[4] TGI Nancy, ord. d’homologation, 20 mai 2014

[5] Civ. 3e, 24 avr. 2013, n°10-28.344.

[6] Voir par exemple : L6232-8-3°, prévoyant une sanction d’un an d’emprisonnement et de 75.000€ d’amende.

[7] M. BOURGEOIS et B. TOUZANNE, Les aéronefs civils télépilotés avec capteurs : des « drones de droit », Etude, CCE, 2015, n°12 étude 22, n°12 s.

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2 Commentaires

  1. Je reviens sur ce sujet car de retour de la cambrousse, j’y ai trouvé un accessoire simple et légal contre les drones: le lance-pierre.
    Peut même être adapté au milieu urbain: je pense qu’en remplaçant la pierre par une balle de caoutchouc ou une gomme, on peut limiter les risques dus à la chute de la pierre, tout en pouvant soigneusement endommager les hélices du drone.
    C’est le retour de Thierry la Fronde contre les envahisseurs!
    (oui, je sais, une fronde n’est pas un lance-pierre mais l’occasion était trop belle!)

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