J’ai demandé à Filip Postolek, Directeur du Design de Civilian Lab & Hazard 4, d’expliquer les grandes différences entre les tissus que l’on peut trouver parmi le florilège de produits « tactiques ». Il a eu la gentillesse, en exclusivité pour le blog Protegor, de nous faire un topo sur le sujet :

« Les matériaux utilisés pour les sacs/pochettes & vêtements peuvent être classés en 4 catégories :
1 – les tissus en Nylon standard (« Plain Nylon »)
2 – les tissus en Nylon de marque (« Cordura™« , « Goretex™« )
3 – les tissus non tissés
4 – les tissus à base de fibres naturelles

Les nylons standards peuvent être tissés selon différents motifs comme le classique « motif en croix » ou des motifs plus compliqués, appelés « Dobby style nylons ». En général, les nylons basiques simplement tissés sont utilisés pour les usages professionnels, alors que les tissages complexes servent à ce qui relève du loisir & du prêt-à-porter. Quand le tissage est une répétition d’un motif de 1cm par 1cm (ou moins), c’est du « Rip-stop », et sert à rendre le tissu plus résistant à la coupe. La densité du brin de nylon se mesure en Deniers, le plus de Deniers (D) il y a, le plus robuste (et le plus cher) est le tissu. Le 1000D est donc plus costaud, plus épais et dure plus longtemps que le 500D — et ainsi de suite.

Les nylons font partie de la 2e famille dès lors qu’ils sont fabriqués par un fabricant reconnu, comme pour le Cordura™. La qualité de leur tissus est plus sûre, en termes de résistance, de fiabilité, de tenue des couleurs, que ce soit d’une fabrication/série à une autre (ndlr : ce qui est important pour ne pas avoir de différences au sein d’une gamme de produits), ou dans le temps. Ces nylons de meilleure qualité sont cependant bien plus chers, c’est du « premium ». Du coup, la marque du tissu est souvent mentionnée sur le produit final.

Les tissus non tissés sont ceux qui ne contiennent pas de fibres et sont issus de feuilles continues de polymères ou de caoutchoucs synthétiques, etc. Ces tissus peuvent aussi être conjugués à un tissu de type filet (en fibres) pour les renforcer — cela s’appelle alors Tarpaulin (ndlr : comme les bonnes vieilles bâches bleues). Ces tissus sont plus simples à nettoyer que les matériaux tissés, ils sont souvent 100% imperméables, et résistent mieux à l’abrasion. Cependant, cela dépend beaucoup du type de matériau utilisé et lorsque c’est de la mauvaise qualité, ces tissus se déchirent ou se trouent aisément. Pour rester étanches, ces tissus nécessitent d’être soudés à chaud ou bien doublé aux coutures. Ces tissus sont pratiques pour les sacs étanches, ou pour les zones sujettes à forte abrasion. Le bas des bagages est souvent doublé avec ce genre de tissu, à la fois pour l’abrasion et la protection contre l’humidité.

Cela nous amène au sujet de l’imperméabilité. Les matériaux tissés deviennent étanches quand ils sont enduits de Poly-Ethylène ou d’une autre substance, d’un côté. Ils subissent aussi un traitement déperlant comme Scotchguard® pour repousser l’eau à l’extérieur des fibres. Pour être à la fois étanche & respirant, il est nécessaire d’ajouter une membrane laminée, ce qui forme un tissu « en sandwich » comme le Goretex™ par exemple. Ces tissus ne sont toutefois pas aussi respirant que l’on peut l’imaginer, et lors d’activités sportives, on va transpirer plus vite qu’avec des tissus non-imperméables. Quand la transpiration est un problème, il vaut mieux considérer un vêtement respirant non imperméable, c’est d’ailleurs bien moins cher.

Pour les vêtements, le stretch & la flexibilité du tissu sont aussi des éléments clés. Ces attributs se calibrent en insérant un brin élastique, comme du Lycra par exemple, dans les fils. Cet aspect élastique ajouté au fil va jouer sur le confort du vêtement. En revanche, plus on rajoute de l’élasticité, plus on réduit la résistance du tissu à l’abrasion. Les tissus élastiques de type « softshell » vont par exemple mal supporter d’être frottés sur le sol ou un élément un peu abrasif. Il y a toujours un équilibre à trouver.

La 4e et dernière catégorie sont les fibres naturelles, comme le coton, le chanvre, etc. Ce sont des matériaux historiques utilisés pour les sacs & vêtements d’extérieur qui sont désormais plutôt réservés à la mode pour donner un aspect « old school » / rétro. Le problème de ces tissus est qu’ils absorbent l’eau, et donc rétrécissent, pourrissent, perdent leurs couleurs, craquellent au soleil, … voilà pourquoi ils ne sont plus utilisés dans les produits un peu « techniques ». Ils restent toutefois doux & confortables sur la peau dans des conditions désertiques, et sont peu chers. Le coton fait de plus un come-back dans le tactique grâce à ses propriétés de résistance au feu. Tissé en combinaison avec du nylon pour un uniforme, le coton permet d’éviter au vêtement de fondre & de goutter sur la peau face à une exposition à un flash de chaleur. La laine revient aussi pour certains vêtements comme les chaussettes & les sweat-shirts, pour ses propriétés de maintien de la chaleur même mouillée. Elle reste moins populaire que les fibres synthétiques car parfois un peu irritante pour la peau et sujette aux déformations. Elle est aussi plus chère (mais résistante).

 

Question bonus : 500 Deniers, 1000 Deniers ? que faut-il prendre ?

A mon avis, tout ce qui est en dessous de 500D commence à être trop fin / léger pour permettre de bien maintenir la structure de ce que l’on fabrique avec le tissu (pour un sac par exemple). Mais la qualité dépend finalement plus du fabricant du tissu choisi que du nombre de Deniers. Par exemple, du Cordura 500D sera moins durable que du Cordura 1000D mais pourra être plus durable que du nylon générique 1000D. Le 500D est plus léger et plus flexible que le 1000D, donc c’est un meilleur choix pour un sac qui se veut léger & qui n’a pas vocation à subir de fortes abrasions (comme les petits sacs de voyage par exemple). Chez Hazard 4, on utilise en général du Cordura 1000D mais récemment on a certains sacs camouflages Multicam ou ATACS sortis en 500D pour garder le prix attractif pour le client, tout en restant à un très bon niveau de qualité, et léger. »

Merci Filip !

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4 Commentaires

  1. c’est pour ça que je privilégie tasmanian tiger: des sacs en cordura 750D pour un tarif TRES compétitif.

    Autres points positifs: tasmanian tiger est une marque détenue par Tatonka, fabricant de sacs de RANDONNEE. Par conséquent les sacs TT bénéficient du savoir faire Tatonka. Ce sont des sacs bien mieux conçus pour la rando que par exemple ceux proposés par camelbak ou maxpédition.

    Point négatif: en raison des armatures métalliques présentes sur certains sacs, les sacs TT sont en règle générale assez lourds.

    Pour l’EDC je vous recommande le TT combat pack. Un sac de 22L à 80€ qui remplace mon sitka dont le port mono-bretelle finissait par devenir douloureux.

  2. Renaud de hPa me livre par email quelques précisions que je trouve intéressantes et que je partage :

    « Quelques petites précisions sur ton article sur les tissus : le nombre de Deniers est important (il exprime le poids en gramme d’un fil de 9km), mais pas du tout suffisant. C’est même la plupart du temps utilisé pour tromper le client sur la qualité réelle du tissu.

    Ce qui compte, dans les tissus utilisés couramment pour les bagages :
    – La nature du fil et son traitement (le Cordura est un polyamide tasslanisée, c’est à dire gonflée pour ressembler à du coton, ce qui lui donne son aspect mat par rapport à du nylon standard). Mais on utilise également du polyester, ou encore des fibres très haut de gamme de type Kevlar, Spectra ou Dyneema
    – Le poids du fil en trame et en chaine (il faut normalement indiquer 2 valeurs en deniers pour un tissu)
    – Le nombre de fils en trame et en chaine (c’est je pense le paramètre le plus important). Les tissages haute densité sont ainsi beaucoup beaucoup plus solides, en particulier à la déchirure
    – Le traitement physique des fils (nombre de torsades ou retords)

    Enfin, Cordura ou autres ne sont que les marques de la fibre, pas du tissu. Le tissu en lui même et l’enduction sont réalisés par des fabricants qui ont une licence d’exploitation de la marque. C’est donc un premier gage de qualité, mais il y a des tas de différences d’un fabricant de tissu à un autre. »

    • MARECHAL NATHALIE

      Bonjour,

      Suite à votre post et à vos connaissances sur la résistance des textiles, seriez-vous en mesure de pouvoir me renseigner ?
      Je recherche actuellement un textile résistant à l’abrasion et aux déchirures mais pouvant se compresser facilement (exemple : sac de couchage). Un garnissage est-il envisageable (toujours dans un objectif de compression) ? Si oui, lequel ?
      Ces caractéristiques sont-elles compatibles ?

      Merci par avance de votre réponse,

      Bien cordialement.

      Nathalie MARECHAL

  3. Bonjour,
    Je viens de lire avec plaisir votre article sur les différents tissus nylon. J’y ai notamment appris la signification de la mesure en deniers des fils de nylon. J’aimerais savoir ce que signifie l’indication « 1200 deniers Gooch » S’agit-il d’un nom de marque de fabrication ?
    Je vous remercie d’avance.
    Réjou

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