En juin 2010, le professeur Jean-Paul Meningaud nous contactait pour nous féliciter de l’ouvrage Protegor. Lui-même pratiquant d’arts martiaux, il partageait avec nous son expérience en traumatologie de la face car, et ses nombreuses rencontres avec des victimes d’agression. Etant en plein ré-actualisation du guide Protegor, et replongeant dans les vieux mails je me suis dit qu’un interview du professeur Meningaud était intéressante à partager avec vous.

PROTEGOR : Professeur, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs de Protegor ?
Professeur Jean-Paul MENINGAUD : Je suis chirurgien maxillo-facial et dirige le service universitaire de chirurgie plastique et maxillo-faciale de l’hôpital Henri Mondor à Créteil. Je suis inscrit sur la liste des experts près la Cour d’Appel de Paris et agréé par la Cour de Cassation. Par ailleurs, je pratique les arts martiaux et sports de combat depuis l’âge de 8 ans. J’en ai 50. J’ai commencé par le Judo, puis le Kempo, le Tai Jitsu, la boxe française, le MMA, le Kung Fu et le Tai Chi style Chen. Depuis quelques années, je ne pratique plus que des arts internes notamment les Chi Cong médical et martial avec Maître Gaston LE qui fut mon Maître de Kung Fu pendant 6 ans. Avec les années, on se rend compte que l’adversaire qu’on a le plus de chance de rencontrer, c’est soi même. Le risque d’une agression externe est statistiquement très faible. Le risque d’être victime de soi-même est immense.

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Fractures multiples suite à une agression en bande

PROTEGOR : Parmi les actes de chirurgie maxillo-faciale, quelle est (grosso-modo) la part qui vient d’accidents vs agressions ?
Pr.JPM : Avec le progrès de la protection routière (Airbag, casque, ceinture, radar, tracé des routes, matériaux absorbants, etc.) et sportive (protège-dents, gilet Airbag, casques, protections, etc.), il faut reconnaître que chez les jeunes, l’essentiel des traumatismes faciaux provient des agressions. Le reste est constitué par les chutes des personnes âgées.

PROTEGOR : Dans les cas de patients traités suite à une agression, quelles sont les blessures les plus souvent observées ?
Pr.JPM : Dans un service comme le mien, ce sont les fractures de la pommette (fractures du malaire), du plancher de l’orbite et les fractures de la mâchoire inférieure (mandibule). Nous voyons moins de fractures du nez mais cela est lié au fait que notre service est spécialisé.

PROTEGOR : Quelques cas plus anecdotiques ?
Pr.JPM : Les fractures plus importantes notamment de la mâchoire supérieure (maxillaires) ou les fracas faciaux sont rares dans le cadre des agressions mais existent cependant. Elles ne concernent pas les agressions simples. Elles impliquent souvent des agresseurs particulièrement déterminés ou psychiatriques ou des lynchages en bandes. Elles font appel à des outils contondants : marteau, batte de baseball, etc. Par ailleurs, nous recevons parfois des agressions à l’arme blanche, qui peuvent générer des dégâts importants, notamment section du nerf facial (qui permet la mobilité du visage). Exceptionnellement, nous recevons des blessures par armes à feu avec une très grande variabilité dans le pronostic et les séquelles. Enfin, nous avions reçu des blessés de l’attentat du Bataclan.

PROTEGOR : Quelles sont les zones du visage à protéger a priorité en cas d’agression ?
Pr.JPM : Bien sûr, tout est à protéger mais dans la pratique ce sont les parties latérales du visage qui sont le plus touchées : pommettes par crochets et menton par uppercut. D’où l’importance d’une bonne garde. Contrairement à ce que pensent beaucoup de pratiquants d’art martiaux, la grande majorité des agressions vient des poings et non des pieds. Pourquoi ? Je ne sais pas.

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Fracture du l’articulation de la mâchoire inférieure par uppercut sur le menton

PROTEGOR : Quels sont les coups dont il faut se protéger le plus ?
Pr.JPM : Les yeux bien sûr et les tempes qui peuvent amener au KO.

PROTEGOR : D’autres conseils pour les lecteurs de Protegor ?
Pr.JPM : Au cours de ma carrière, j’ai connu beaucoup de pratiquants d’art martiaux de haut niveau (7° dan à une occasion) qui avaient néanmoins été traumatisés suite à une agression. Ils avaient tous été surpris. Ils avaient pêché par excès de confiance pendant la phase des pourparlers. Je conseillerais d’éviter les situations conflictuelles. Si on vous fait une queue de poisson ou on vous bouscule un peu dans la rue, ça n’a aucune importance. Par ailleurs, évitez les situations de foule, notamment de sorties de match. Si vous êtes pris dans une situation qui peut dégénérer, gardez vos distances, reculez, tournez, bougez, profitez de la configuration des lieux, interpeller un représentant de l’ordre mais surtout ne quittez jamais des yeux le danger. Si la situation a déjà dégénéré; maintenez votre garde, pratiquez les enchainements et appuyez les coups. Si vous êtes en situation de franche infériorité et en légitime défense, visez les points sensibles. Sur le tatami ou le ring, les combats peuvent durer de une à trois minutes. D’après les nombreux récits d’agressions que j’ai pu écouter, les combats de rue durent rarement plus de 3 secondes. Ca signifie que tout se joue avant.

PROTEGOR : Un grand merci pour votre disponibilité !

Plus d’informations sur le professeur Jean-Paul MENINGAUD
Président de « 2020 EACMFS Congress in Paris »
Chef du Service de Chirurgie Plastique et Maxillo-Faciale
Hôpital Henri Mondor, Créteil 94010, France
www.meningaud.com
www.plastique-mondor.fr