Professionnel du sport et des arts martiaux depuis plus d’une vingtaine d’années, Christophe SOULIE a notamment fondé l’AF AMSEA et la préside depuis 1998. Il est également un représentant du Cross Training Martial Arts sous l’autorité de Daniel LONERO, assistant personnel de DAN INOSANTO. De 2008 à 2013, il fut responsable de la Commission Nationale AMSEA, chargé de Mission auprès de la DTN de la FFKDA. Il est aussi professeur dans les métiers de forme et force et travaille par ailleurs dans les domaines de la sûreté, notamment comme formateur.

 

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PROTEGOR : La Self Défense et les Arts Martiaux du Sud-Est Asiatique font bon ménage… Pourquoi ?
Christophe Soulié : Lorsque l’on évoque la self défense, on doit bien évidemment se référer aux réalités des situations de violence que nous rencontrons. De ce point de vue, nous constatons depuis quelques années que l’agression dite « à l’arme blanche » est devenue une réalité incontournable dans nos sociétés. Je pourrais dire de manière plus générale l’agression armée, et ce, quelle que soit l’arme utilisée. Toutefois l’arme blanche reste la plus utilisée dans la grande majorité des cas d’agression ; qu’il s’agisse d’infractions, de vols avec violence, ou de tentative d’homicide dans les cas extrêmes. Tout naturellement, les personnes s’intéressant à la self défense vont rechercher des méthodes où l’apprentissage du maniement de ces armes, couteau, bâton, est très présent ; c’est le cas des Arts Martiaux Philippins qui en est la discipline reine. J’ai pour habitude de dire à mes élèves que l’on ne peut raisonnablement appréhender une situation d’agression à l’arme blanche ou contondante si l’on ne connaît pas soit même « le maniement » de ces armes et la manière dont elles peuvent être employées par un agresseur. On peut également, à travers cette question, mettre en relief les contextes sociaux particulièrement difficiles et violents que connaissent certains de ces pays du Sud- est Asiatique, et qui de fait ont influencé leurs disciplines martiales dans le sens d’une réalité de l’affrontement souvent extrême.

PROTEGOR : Dans les Arts Martiaux du Sud-Est Asiatique, la partie traditionnelle reste très présente ; quel rôle tient cet aspect dans la pratique et est- ce que ça ne vient pas parasiter l’efficacité en Self ?
C.S. : Les AMSEA ont la particularité de proposer de nombreux « secteurs de travail » : Bâtons, double bâtons, dagues et couteaux, les combinaisons d’armes, les mains nues à travers différentes boxes. Ces arts sont souvent le fruit de multiples influences, pour certaines très anciennes, subies ou volontairement intégrées, qui ont naturellement marqué les aspects traditionnels de l’apprentissage. Ils sont donc effectivement très présents durant l’apprentissage et en font la richesse.
Toujours dans le cadre des particularités de ces disciplines, je dirais qu’ils ont l’avantage de réunir aussi bien les aspects ludique, de combat, traditionnel et d’une redoutable self défense comme nous l’avons évoqué dans votre précédente question. En ce qui concerne la deuxième partie de cette question, j’y répondrai brièvement de deux façons : la première est de considérer que les aspects traditionnels des disciplines martiales, à mon sens, ne sont pas bien compris. Parfois, nous avons le tort d’associer de manière un peu excessive la tradition au folklore. J’observe à travers des recherches et un peu d’expérience qu’à l’inverse, les aspects traditionnels sont dans nombreux cas l’expression et la traduction de situations de combats réels et vécus lors de conflits guerriers. Une autre façon de répondre serait de considérer que l’immense richesse de ces disciplines, notamment sur le plan technique, permet d’apprendre et de se concentrer davantage sur tel ou tel aspect de l’art, en l’occurrence la partie consacrée aux mains nues contre armes, ce qui touche directement à la self Défense comme on peut l’entendre. Je conseillerais toutefois de s’y intéresser davantage dans la globalité.

PROTEGOR : Parmi les armes des Arts Martiaux du Sud-Est Asiatique, lesquels conseilles-tu pour la Self ?
C.S. : Relativement à ce que nous avons dit plus haut, je conseillerai naturellement l’étude des armes blanches et du bâton simple. Je réponds précisément à la question en me situant dans le cadre de la Self Défense. Encore une fois, j’ai le sentiment qu’une étude plus globale, même si elle nécessite beaucoup plus de temps de pratique, permet peut être d’appréhender « au mieux » des situations difficiles, parfois dangereuses.

PROTEGOR : Quel est ton avis sur le développement des Arts Martiaux du Sud-Est Asiatique en France ?
C.S. : Je suis directement et particulièrement concerné par cette question puisque j’ai été de 2008 à 2013, responsable de la commission des AMSEA de la FFKDA, chargé de mission auprès de la DTN. J’ai dans ce cadre travaillé avec Giovanni TRAMONTINI, DTN adjoint notamment pour le développement des DA de la Fédération, et je dois dire très impliqué et intéressé à nos disciplines Nous avons ensemble développé tous les outils nécessaires au meilleur développement possible tant sur les plans techniques avec la création de programmes nationaux, de stages fédéraux des programmes de compétition que sur le plan pédagogique à travers les différentes formations d’enseignants. Nous avons également travaillé à la création des outils de communication et bien sûr mis en place une commission. J’ai quitté mes fonctions en 2013, la fédération comptant alors un peu plus de 2500 licenciés d’AM du Sud-Est Asiatique. De ce point de vue, j’espère avoir contribué au développement des AMSEA en France. J’ajoute que depuis les années 90 et bien sûr encore aujourd’hui, de nombreux instructeurs français participent au développement des AMSEA, à leur échelle et avec leurs moyens. Pour certains au sein de la FFKDA lorsque j’étais en place, pour d’autres dans leur région et de façon un peu plus autonome. Nous savons aussi que l’organisation du sport en France, même si elle a de très nombreux points forts, n’en est pas moins une machine administrative avec laquelle il n’est pas facile de composer.
Maintenant, si j’observe l’histoire des AMSEA sur notre territoire, et que je raisonne en terme de développement et de promotion, je ferais une autre observation : elle tient aux disciplines elles-mêmes, particulièrement au Kali-Escrima. Nous parlions de ces très nombreux secteurs de travail présents dans les AMSEA, toutes disciplines confondues. Il se trouve que nous vivons dans des sociétés de consommation à outrance et le domaine des arts martiaux n’y échappe pas : tout, tout de suite. Le plus rapide à apprendre, le plus efficace, le plus reconnaissable. Les pratiquants mais aussi beaucoup d’enseignants recherchent alors dans une discipline les seuls aspects qui les intéressent de prime abord. En somme nous appréhendons l’art comme un produit avec ce qu’il aurait de plus attrayant. Lorsque j’ai eu à présenter nos disciplines à la FFKDA, j’ai souvent utilisé cette formule : « Les pratiquants viennent assez tardivement aux AMSEA, mais y restent fidèles pour une grande majorité. Faisons preuves de patience… »

PROTEGOR : Si tu avais des conseils à donner à un novice qui veut faire des Arts Martiaux pour apprendre à se défendre, quels seraient- ils ?
C.S. : De bien comprendre que les réalités du combat et de la Self Défense sont des réalités qu’il faut prendre très au sérieux dans ce qu’elles ont de tragique. L’actualité nous en montre chaque jour des exemples toujours plus effrayants. La pratique permet, il est vrai, d’être capable de faire face en certaines circonstances, mais aucun discours sur l’efficacité supposée de telle ou telle méthode ne doit vous faire oublier qu’il s’agit parfois de lutte à mort. Mon professeur, Daniel LONERO, me rappelait récemment que dans l’étape ultime de certains grands experts, il s’agissait de neutraliser l’adversaire pour que vous ne soyez pas blessé, mais faisant en sorte qu’il ne le soit pas non plus. Cela peut sembler bien éloigné de nos réalités en la matière mais c’est une vision que je partage et que je défends.

Plus d’infos sur http://www.yammas.com & http://www.afamsea.com.

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