federation-close-combat Joël Capoani, Délégué Général de l’Union des Sociétés d’Éducation Physique et de Préparation Militaire (USEPPM), explique ci-dessous ce qu’est « l’Esprit Close-Combat » :

Alors que l’Europe traverse une crise sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale en matière de sécurité intérieure, les Français prennent peu à peu conscience d’une composante méconnue et oubliée de la citoyenneté : à savoir, que dans les situations d’exception, notamment lorsque l’État n’est plus en mesure d’assurer pleinement la sûreté de ses administrés, il appartient à chacun de devenir, le temps nécessaire, « acteur de sa propre sécurité ».

En ce sens, le Service d’information du Gouvernement a eu la bonne idée, dès le 4 décembre 2015, de lancer une campagne de communication (affiche, supports web et vidéos) pour sensibiliser les citoyens aux réactions immédiates en cas de tuerie de masse par armes à feu automatiques. Et moins d’un mois plus tard, le ministère de l’Intérieur mettait en place de son côté une initiation aux gestes de premiers secours bien distincte des Premiers secours civiques de niveau 1 (PSC1) pour que la population, peu formée aux comportements qui sauvent, en acquière les gestes élémentaires en deux heures.

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Fred Touzani (à gauche), dans Close-Combat Catastrophe,
à paraître chez Budo Editions

Il serait donc vain et inexact de dire que « le gouvernement ne fait rien » pour préparer les citoyens à faire face à ces nouvelles menaces. Et on comprend bien que la voie ouverte il y a plusieurs années déjà par quelques spécialistes aura facilité la diffusion auprès du grand public de concepts telles que la sécurité personnelle (ou comment éviter une situation dangereuse) et la survie urbaine (c’est-à-dire comment réagir après une agression).

Cependant, la généralisation de ce que les médias ont appelé pudiquement « le terrorisme low-cost » nous rappelle que le citoyen doit aujourd’hui envisager l’hypothèse d’un duel corps-à-corps avec un individu doté, a minima, d’une arme blanche ou d’un objet détourné de sa fonction première et qui peut tout de même donner la mort (c’est ce que l’on appelle une arme par destination et à ce titre, un camion de 19 tonnes devient bien « une arme »…). Les odieux assassinats de deux fonctionnaires du ministère de l’Intérieur le 13 juin dernier à Magnanville puis celui d’un prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray un mois plus tard ne viennent que confirmer l’absolue nécessité de se préparer, au moins psychologiquement, à ce type de confrontation.

Faut-il pratiquer les arts martiaux dont la maîtrise demande plusieurs années de labeur ? Doit-on s’entraîner aux sports de combat qui exigent un entraînement régulier et une excellente condition physique ? Comment choisir une self-défense dont on n’aura jamais pu tester l’efficacité avant le Jour J ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre. Car oui, bien sûr, il vaut mieux s’entraîner que de ne rien faire (à ce titre, l’adage militaire est éloquent : « Entraînement difficile, guerre facile ! ») mais la menace d’une attaque au coin de la rue est bien actuelle : c’est maintenant-tout-de-suite que l’on peut être la victime de ces nouveaux forcenés, soldats d’une armée virtuelle, qui passent à l’acte en moins de temps qu’il ne faut pour le dire…

Ce climat d’horreur n’est pourtant pas inédit. En effet, il n’est pas sans rappeler ce qu’ont vécu nos Anciens pendant la Seconde Guerre mondiale, à une époque où le massacre des innocents fut érigé en système. Et de l’esprit de Résistance – qui s’est formé alors en réponse à l’Horreur absolue – sont nées plusieurs inventions ingénieuses, dont le close-combat. Techniques de lutte corps-à-corps extrêmement rudimentaires mais non moins efficaces, le close-combat fut bien en ce sens l’une des preuves du soutien matériel apporté par les Forces alliées (États-Unis et Grande-Bretagne) à l’Armée de la France libre, aux Forces Françaises de l’intérieur (FFI), et à tous les maquis et mouvements de Résistance nés sous l’Occupation.

Le close-combat, c’était donc quelques gestes techniques seulement. Mais c’était aussi et surtout l’acquisition automatique d’une force psychologique tenace : après quelques heures d’entraînement avec des instructeurs qui avaient fait leurs preuves non pas en école mais sur le terrain, le combattant était investi d’un « complexe de supériorité » qui le rendait apte à accomplir des missions difficiles pour ne pas dire impossibles. Et si les actions clandestines ont commencé à voir le jour pendant la Grande guerre avec les corps francs et les nettoyeurs de tranchées, c’est bien le pragmatisme des Anglais et des Américains qui a véritablement donné et le nom et la méthode de combat corps à corps de l’Armée française d’après guerre : le « combat rapproché », consacré par le TTA de 1947. Profitons-en d’ailleurs pour corriger une erreur souvent commise aujourd’hui tant par le civil que par le militaire : le terme close-combat n’a jamais eu cours – de manière réglementaire – dans l’Armée française… si ce n’est entre 1943 et 1945 !

À l’issue de cet exposé rapide, prenons encore le temps de répondre à une question fondamentale que l’on entend souvent parmi les pratiquants de sports de combat aujourd’hui : en quoi réside la différence entre close-combat et self-défense ? À l’heure de la société de la performance, il serait à vrai dire aisé d’avoir tendance à comparer ces deux disciplines, comme si l’une devait être supérieure à l’autre. Et bien contrairement à l’opinion, ces deux systèmes de combat à main nue ont beaucoup de caractéristiques communes. Mieux encore, en vertu de leur volonté de synthétiser plusieurs ensembles distincts de formes de corps à corps (dont en premier lieu la lutte, la boxe, le judo, le jiu-jitsu), on peut affirmer que le close-combat et la self-défense ne diffèrent pas par la Lettre, ou très peu.

Mais si la forme est à bien des égards semblable, il n’en est pas de même pour ce qui est du fond. Qu’on le veuille ou non, le close-combat renvoie invariablement à cette idée de lutte pour la liberté, cristallisée pendant la dernière guerre. Cela ne change pas tout, mais beaucoup de choses quand même : cela modifie l’esprit du combattant. On ne se bat pas de la même manière face à un agresseur qui tente de vous voler votre carte bancaire que face à un individu qui veut rentrer dans votre domicile par effraction (le Code pénal, lui aussi, en tient compte d’ailleurs…). Autrement dit, l’intention que l’on met derrière les coups que l’on donne, et en particulier la certitude de se battre pour le Bien commun et non pas seulement pour défendre sa propre (petite) personne, apparaît dès lors comme l’essence même du close-combat. C’est cet esprit qui permet de livrer des combats que l’on pense perdus d’avance, de trouver le courage d’agir face au chaos, ou encore de ne jamais abandonner la lutte pour sa propre survie et celle des autres.

joel-capoaniL’auteur de l’article :
Conseiller technique du manuel « Close-Combat Catastrophe » (à paraître prochainement aux Editions BUDO sous la direction des Jumeaux Saint-Vincent), Joël Capoani est major de gendarmerie avec plus de 38 ans de service militaire à son actif en France ainsi qu’à l’étranger. Il est Moniteur-chef EPMS (entraînement physique militaire et sportif), maître d’armes militaire et instructeur CAC (corps-à-corps) et TIOR (Techniques d’interventions opérationnelles rapprochées). Il a été responsable des salles d’escrime de la Garde Républicaine et de l’Institution Nationale des Invalides. Titulaire d’un Master II en Ingiénerie de la Sûreté et de la sécurité et Défense. Engagé depuis toujours dans le monde du sport et de la sécurité, il s’est tout autant investi dans la vie associative et a ainsi des responsabilités dans de nombreuses structures sportives, commémoratives et humanitaires, dont l’Union des Sociétés d’Éducation Physique et de Préparation Militaire (USEPPM).

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3 Commentaires

  1. entièrement d’accord et maintenant on fait quoi

  2. Sébastien Jardin

    Bonjour,

    Très bel article effectivement et tout à fait d’accord avec les principes avancés.

    Je me suis permis une proposition de démarche pour essayer de propager ces principes de protection personnelle et de close combat au plus grand nombre. Plus de détails sur le : https://www.linkedin.com/pulse/quand-du-close-combat-en-entreprise-sebastien-jardin?published=t

    Avec plaisir pour échanger sur la thématique.

  3. bonjour quand sortira le livre ?

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